chronique de CD

“L’océan Sonore”, Catali Antonini

L’océan Sonore, Catali Antonini (chez Klarthe Records Jazz)

 

Voici un album singulier qui réclame une écoute attentive. L’univers convoqué par la chanteuse Catali Antonini se découvre et se déguste par petites touches. On pénètre dans le sensible, on fait des bonds dans le temps et l’espace, on parcourt les différents éléments, l’eau, le cosmos. Tout nous ramène au feu intérieur, son intérieur poétique, ses doutes, ses amours, ses attentes déçues, sa confiance inébranlable en la vie. Il y a dans cette poésie un fond de romantisme, même si Verlaine, à travers son océan sonore, qui donne son nom à l’album, n’était pas à proprement parler un romantique. On sent que pointe l’espoir, et tous ces éléments, dont la grandeur et la beauté nous dépassent, peuvent nous parler, nous murmurer leur tendresse et devenir des repères, des renforts.

Il y a dans cet album la poésie de Catali Antonini (trois de ses créations sont écrites en italien, ce qui lui va comme un gant), il y a celle de Verlaine avec sa Marine, il y a aussi une chanson puisée chez Prince (sign of the times, métamorphosée) ou des thèmes joués par de grands musiciens comme Kenny Kirkland ou Jimmy Hendrix.

Catali Antonini c’est bien évidemment une voix et quelle voix. Un timbre hypnotique, cette capacité à improviser avec une légèreté mélodique et une sureté rythmique (ou réciproquement), cette aisance à être un instrument à part entière. Si j’osais, je dirais qu’elle est la David Linx au féminin. On pourra à juste titre me rétorquer que comparer une voix féminine à une voix masculine, c’est encore reconnaître un tribut à payer à la « gent dominatrice ». Mais pour moi ce sont tous les deux (essayons : toutes les deux, elle et lui) des voix qui se muent, du grave à l’aigu, androgynes, des voix travaillées qui utilisent des spectres multiples et jouent de toutes les dimensions qui sont à leur portée : souffle, intensité, intentionnalité, timbres variés, puissance maitrisée ou débridée.

Elle est un élément dans cet océan sonore constitué par ce quartet de haute volée. La plupart des musiques ont été écrites par Stéphane Pelegri, qui se situe dans la tradition d’un jazz qui avait repris de la vigueur avec Petrucciani, où les harmonies modernes flottent sur un jazz rock décoiffant. Le piano et le Fender Rhodes jouent un rôle majeur dans cette œuvre. On le savait déjà, Catali Antonini et Stéphane Pelegri sont des artistes hyper talentueux. Le groupe joue une musique subtile et musclée, et la rythmique est d’une efficacité redoutable : le bassiste électrique Greg Théveniau, avec un jeu très en avant, à la Pastorius, et le batteur Hervé Humbert, très rock, font la paire. Les morceaux se succèdent dans un rythme soutenu, mêlant chansons et instrumentaux. L’énergie circule magnifiquement entre les quatre.  

Si chaque morceau se situe à un niveau d’exigence élevé, si tous opèrent un charme puissant et cohérent, je reviendrai sur le premier, Figli dell’Egeo, qui concentre à lui seul tout ce que le groupe offre généreusement et propulse, une forme de chant d’amour, qu’il tire de la beauté de la mer Egée. Ce pourrait être aussi la Méditerranée, vue de la Corse, mère des origines.

J’attends avec impatience l’ouverture de la musique vers les concerts où elle prendra, à n’en pas douter, une dimension quasi extatique.

Ont collaboré à cette chronique :