Voici un livre qui est aussi un souvenir de concert. J’ai déniché un exemplaire de l’autobiographie de Randy Weston, lors de son dernier concert, à la librairie du Théâtre Antique lors de Jazz à Vienne. C’était le 4 juillet 2016, et l’on peut se remémorer ce concert grâce à la chronique tout à fait juste de notre collègue Michel Mathais, ici :Après ce concert, dont la première partie de l’African Rhythms quartet était fabuleuse, je dois avouer que j’ai oublié ce livre sur une étagère. C’est durant l’été 2018 que je l’ai lu, juste avant la disparition du pianiste le 1er septembre 2018. A part chez les fans de jazz et les connaisseurs, son décès est passé quasi inaperçu. Sans doute occulté par la disparition en août 2018 d’une autre étoile de la musique Afro-américaine : Aretha Franklin.
Cette autobiographie, écrite à quatre mains avec Willard Jenkins est le reflet de la vie de globe-trotter de Randy Weston. Sa vie commence à Brooklyn où il découvre la musique et côtoie la communauté caribéenne car son père est originaire du Panama. Il est l’ami d’un autre habitant de ce quartier newyorkais : Max Roach. Il fréquente Duke Ellington, Coleman Hawkins, Charlie Parker, Miles Davis et il est influencé par Thelonious Monk. Il est vite amené à parcourir le monde et la première fois au Japon dans le cadre de son service militaire durant la guerre. A son retour aux Etats-Unis, le pianiste est allé dans la région des Berkshires pour travailler et a fait la rencontre de Music Inn, une société d’artistes qui organise des conférences auxquelles il participera en musique. Sa première grande rencontre à cette occasion, sera celle qu’il fait avec Langston Hugues, le poète et écrivain qui écrira les textes de l’une des plus grands albums de Randy Weston : Uhuru Afrika. La grande tromboniste et compositrice Melba Liston participe également à la création de cette œuvre. Avec cette création, tout comme avec Spirit of our ancestors, Randy Weston c’est ouvert à la conscience de l’Afrique en tant que terre d’origine. Melba Liston et Dizzy Gillespie participent à cet autre album. Le pianiste partageait avec ces derniers musiciens une affection pour leurs origines africaines.
Randy Weston concrétise son rêve d’aller en Afrique une première fois en 1961 avec la Société Africaine de Culture section américaine, puis une deuxième fois en 1963. Il fait ensuite une grande tournée en 1967, organisée par le Département d’Etat à travers tout le continent africain, qu’il nommera “la tournée sur la terre mère”. Il sera complétement séduit par l’Afrique et songe à s’installer au Nigéria. L’instabilité politique le fait renoncer, mais l’engouement du public Marocain pour ses concerts qui lui demande de revenir, le décide à s’installer à Tanger. Il vit de nombreuses années en terre marocaine où il crée un club de jazz et fait surtout la rencontre des musiciens Gnawa. Cette rencontre est importante sur le plan musical, mais aussi sur le plan humain et spirituel. Les maîtres Gnawa autoriseront Randy Weston à jouer cette musique sacrée. Cette connaissance de l’Afrique en général, va le marquer dans son approche musicale mais aussi dans sa vie spirituelle. Il va s’intéresser à toutes les musiques et toutes les cultures, comme les musiques traditionnelles chinoise et japonaise. Il donnera un concert dans un sanctuaire Shinto du Japon où il ressentira la même force spirituelle qu’en Afrique. Il tente une synthèse des musiques africaine, asiatique et occidentale. Le pianiste vit même une dizaine d’années en France, près d’Annecy.
Le géant de Brooklyn, après avoir sillonné la terre entière est revenu s’éteindre paisiblement dans son quartier d’origine de Brooklyn à New York. Il a très certainement rejoint à présent, l’esprit de ses chers ancêtres, qu’il a cherché spirituellement en musique, en parcourant la terre.
Jenkins Willard, Weston Randy, Randy Weston African Rhythms, Autobiographie, Présence Africaine, 2014, 429 pages, ISBN 978-2-7087-0870-9.