10/04/2024 – Marcus Strickland « Twi Life » au Périscope

10/04/2024 – Marcus Strickland « Twi Life » au Périscope

Les planètes de Marcus Strickland

La salle de la rue Delandine a décidément le nez creux en matière de jazz actuel car elle invitait Marcus Strickland et son groupe Twi-Life, un quartet de rêve comprenant la fine fleur du jazz en direct de New-York, proposant durant près de quatre vingt dix minutes une musique pleine d’énergie et de puissance avec quatre créateurs à la pointe de leur art. Si les acolytes de Marcus se présentent tous trois têtes bonnetées, ce n’est en rien pour annoncer un set frileux… Ce serait plutôt le contraire avec ce déferlement de rythmes afro futuristes électriques mettant en lumière les titres du dernier disque The Universe’s wildest dream paru sur le label musical que dirige le saxophoniste : Strick Musik (lancé en 2006). Au niveau configuration sur scène, le bassiste, Kyle Miles est face au public entouré des deux côtés par Mitch Henry et ses claviers- à jardin- et la jazzette de Charles Haynes -à cour- tous deux se faisant face. Marcus arrive sur le devant en bon front man qui se respecte, mais il se présente d’emblée à égalité musicale avec les membres de son groupe, en pleine osmose et harmonie, et sait s’effacer lorsque ses mousquetaires se mettent à choruser. Le leader commence le set par quelques mots en louant notamment la langue française. Le premier morceau Lullaby est issu de l’album People of the sun paru chez Blue note en 2019, et on démarre fort dans les rythmes percussifs avec un Charles Haynes extrêmement présent au niveau du son et de la mise en place du groupe. Ce qui n’est pas anormal puisqu’il a œuvré comme coproducteur du dernier disque de Twi-Life.

Ce batteur possède un drive sidérant et il fait tourbillonner les rythmes et les sons. Il est le véritable maître du jeu et des horloges. Le projet s’inspire d’ailleurs beaucoup de l’esthétique de J.Dilla en matière de complexité et d’interconnexion musicale et « d’ivresse de la batterie ».

Car c’est bien de cela dont il s’agit durant tout le concert : on est ivre de batterie et de beats entêtants. Le batteur accorde beaucoup d’importance au son de sa caisse claire puisqu’il la règle différemment au cours d’un même morceau, en fonction qu’il désire un son soit aigu et sec, soit un son grave et plus gras. Sa clef d’accordage ne quitte donc que très peu la caisse au cours du set.

Marcus Strickland présente ensuite le morceau Bird Call, qui raconte l’histoire de l’oiseau qui venait se poser à sa fenêtre tous les jours durant la pandémie, à une période au cours de laquelle selon ses dires « on avait beaucoup de temps pour réfléchir… ». Le titre suivant est très émouvant puisqu’il rend hommage au saxophoniste Casey Benjamin*, décédé récemment le 30 mars à l’âge de quarante cinq ans, qui officiait notamment dans le trio de Robert Glasper et qui est une grande perte pour  Marcus Strickland. Pour l’occasion il va jouer le morceau du trompettiste Terence Blanchard, Sing Soweto.

Dust ball fantasy évoque notamment la planète mars, l’espace et la gravité, en résonance avec l’ensemble du dernier disque du Quartet The Universe’s wildest dream sorti en 2023 qui évoque beaucoup les planètes et la vie sur terre avec ses merveilles que nous devons chérir et célébrer. Comme pour enfoncer le clou de son obsession des planètes, le saxophoniste annonce le titre Joy for Jupiter… Le public est parti à fond dans ce voyage intersidéral et fait corps et âme avec la musique et l’énergie rythmique du quartet. Et un rappel plus tard, la salle plutôt jeune dans la fosse (puisque le concert était proposé en configuration debout), communie avec les musiciens et applaudit à tout rompre un projet artistique inspirant et profond, comme un souffle céleste célébrant la planète terre et une de ses merveilles de toujours : la musique, lorsqu’elle est jouée avec cette conviction et cette intensité.

Line-up :

  • Marcus Strickland : saxophone ténor
  • Mitch Henry : claviers/ orgue
  • Kyle Miles : guitare basse
  • Charles Haynes : batterie

*[NdlR : et qui était programmé au Solar le 25 avril prochain]

 

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