18/01/2019 – Carine Bianco Trio au Hot Club de Lyon

18/01/2019 – Carine Bianco Trio au Hot Club de Lyon

On a beau connaître le CD par cœur, rien ne vaut l’expérience du live, on ne le dira jamais assez. Pour peu que les artistes se montrent un peu diserts, c’est aussi l’occasion de nous donner accès au backstage de la création, et d’éclairer l’imagination que ne manque pas de solliciter l’écoute musicale. Grands adeptes du collectage, Carine et Nicolas Bianco conservent mélopées, phrasés, narrations ou expériences glanés au gré des rencontres qui les ont marqués. C’est la matière première des pièces présentées ce soir, dont une grande partie se trouve sur le CD fraîchement paru Eurydice#21, en référence au poème écrit par Hilda Doolittle, prétexte à réflexion sur la condition féminine. Les compositions s’inscrivent également dans une recherche des trois musiciens de la prolongation tempérée du son des instruments.

Au chapitre des rencontres bien réelles, Awa respire la bienveillance, tout en sensualité et en harmonie, la rêverie du piano de Carine Bianco se déploie avec délicatesse sur la ligne de basse de Nicolas Bianco. Nalingy Kobina évoque une Afrique turbulente et syncopée, qui fait la part belle à la batterie de Sébastien Mourant. Yasmine exprime ses tourments dans la douceur.

Au chapitre des rencontres artistiques, Eurydice oscille entre courroux et mélancolie, avec un chorus de piano inventif et généreux ; Carine a du style et elle l’exprime haut et fort. John Lennon Murder nous donne l’occasion de réentendre sa voix en introduction, en arrière-plan de quelques notes éternelles d’Imagine, ambiance vintage assurée, thème aux consonnances orientales servis sur basse lancinante et chorus saturé. Martha rend hommage à Martha Argerich, pianiste argentine considérée comme une des plus talentueuses de son époque, et surtout à son caractère rebelle et indépendant ; toute la richesse du jeu des musiciens est mobilisée pour l’occasion : approches chromatiques, syncopes et contrepoint, polyphonie et polyrythmie sont au rendez-vous. Pour terminer, la pianiste ne pouvait pas manquer de saluer Mozart et Monk, curieusement unis par leurs prénoms de significations semblables, avec Amadeo, construit autour du thème du Lacrimosa du Requiem de Mozart, qui prend un coup de gaieté insensée des plus réjouissants.

Emotion, finesse, féminité et communion sont les maîtres mots de ce concert. Si le public était plutôt clairsemé en première partie, l’affluence motivée par la jam session à suivre a rempli la salle en deuxième partie, avec un public qui s’est très vite laissé captiver, en témoigne la qualité de l’écoute. Cette pratique, nouvelle au Hot Club, du bœuf après le concert a ce mérite de créer un espace de découverte propice à l’ouverture et aux bonnes surprises.

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