19/01/2019 – Emile Parisien Quartet au théâtre de Roanne pour Canal Jazz

19/01/2019 – Emile Parisien Quartet au théâtre de Roanne pour Canal Jazz

Dans le cadre des 30 ans de l’association Canal Jazz, Emile Parisien Quartet se produit pour son premier concert de l’année au théâtre de Roanne.

Les musiciens nous présentent leur dernier album inspiré par le monde digital et les écrans qui envahissent nos vies, et l’urgence permanente qui les accompagnent.

Une composition de Julien Loutelier avec Double Screening (titre éponyme de leur album) ouvre la soirée sur une intro à la contrebasse d’Ivan Gélugne, vite rejoint par le talentueux saxophoniste Emile Parisien .Ils enchainent avec un morceau très free entrecoupé à des moments inattendus de deux mesures swing puis repartent dans leur rythme d’enfer suspendu le temps d’un silence puis replongent directement dans le vif du sujet. Tous les quatre se connaissent de longue date, s’écoutent, déstructurent, se retrouvent, se surprennent, créent l’apparence du chaos dans une synchronisation admirable.

Spam N°1 est le nom du court morceau suivant où Julien Touéry pénètre dans les entrailles de son piano, nous fait entendre des bruits de portes qui grincent ; les cymbales s’en mêlent, apportent une autre touche de bruitages, l’archet torture les cordes, et de la masse sonore émerge une délicate mélodie au saxophone soprano.
Le public porté par cette musique attend le prochain morceau qui est une suite en quatre mouvements ; Hashtag s’élance sur une course folle entre les instruments. Emile Parisien n’est plus sur terre ; il survole le sol avec une légèreté impressionnante. Il court sur place tout en lançant des envolées de notes époustouflantes, avant de calmer le jeu pour faire place au deuxième mouvement.

C’est au tour du piano de jouer des envolées lyriques tandis que les balais du batteur sont à l’opposé du jeu du piano, le volume sonore augmente alors surmonté par le soprano aux sons très orientaux. Le calme revient avec la douceur de l’archet sur la contrebasse. Le quatrième mouvement s’appuie sur un ostinato à la contrebasse, tandis que le saxophone se pose sur une onde porteuse façon modem produite par les touches les plus aiguës du piano aux cordes étouffées et des objets résonnants en bois.

Spam N°3, très court, ouvre la voie à une composition de Julien Touéry, Eligie pour Carte Mère, suivi de Deux Point Zéro, après une préparation minutieuse du piano ; il est temps de détourner l’instrument, de lui faire produire des sons insolites par des moyens exclusivement physiques ; foin de l’électronique, c’est là le tour de force. Le premier est une mélodie mélancolique, le second un duo rythmique et mélodique entre le piano et le saxophone. Puis vient Algo, basé sur un accord grave plaqué au piano, répété relayé par un accord lancinant répété à l’archet, entrecoupé de notes répétitives au soprano pour une atmosphère très particulière.

Le dernier morceau s’intitule Malware invasion de Julien Touéry avec un motif répétitif au piano montant d’un demi ton régulièrement jusque dans l’aigu, une perte de contrôle des notes de la part de tous, l’invasion est totale !!!!! Julien Loutelier part dans une improvisation délirante, le thème revient sur fond répétitif du clavier et l’implosion d’Emile Parisien sur son saxophone qui arrive à nous faire entendre une nuée d’abeilles sous ses doigts ….Les musiciens s’amusent entre eux et avec le public suspendu aux doigts, baguettes, archet pour un final constitué d’une succession de longs silences et pêches collectives qui tombent aléatoirement (pour nous en tous cas) et entretiennent le suspense jusqu’au bout.

Pour répondre au rappel très chaleureux du public, Daddy long legs termine le set par une touche incongrue.

Bien au-delà d’une technicité qui touche à la maestria, une homogénéité exceptionnelle caractérise ce quartet dont la créativité semble sans limites, sans succomber à la tentation digitale. S’il est des formations que l’on sent bien ancrées dans le sol, le quartet d’Emile Parisien, à l’image de son chef de file, s’épanouit dans la stratosphère et au-delà, et, sans en avoir l’air, tire son public vers le haut.

A ne manquer sous aucun prétexte.

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