04/02/2023- Ezra Collective à l’Epicerie Moderne de Feyzin

04/02/2023-  Ezra Collective à l’Epicerie Moderne de Feyzin

L’effet luxuriant du collectif

Parmi les représentants éminents de cette fameuse nouvelle scène londonienne dont on ne cesse de parler et qui insuffle un vent vivifiant dans le jazz actuel, le quintet british tant attendu nous visitait enfin dans l’atmosphère clubbing et surchauffé de l’Epicerie Moderne, dans la foulée de Kokoroko découvert ici même. Une plongée dans les positive vibrations de ce collectif multiculturel où flamboie une paire de cuivres mirifiques, avant-première plus que réussie avant qu’ils ne reviennent en juillet à Vienne, où ils devraient assurément enflammer la première partie de Marcus Miller.

Après avoir pu successivement découvrir en live les représentants les plus emblématiques ce cette fameuse nouvelle scène anglaise qui fait le pont entre new jazz et world-music, de Shabaka Hutchings à Nubia Garcia, des merveilleux Nubyian Twist vus à Vienne l’été dernier aux fanfaramineux Korkoroko auxquels on peut précisément les associer et qu’on a d’ailleurs découverts sur cette même scène de L’Epicerie Moderne, on comble enfin la case manquante du puzzle avec Ezra Collective, dont la tournée interminable depuis la reprise traverse l’Europe et s’arrêtait chez nous.

Fer de lance de plus en plus adulé de ce renouveau musical, le quintet purement londonien tout à l’image multiculturelle et inter-raciale de la capitale britannique, développe avec force cette dynamique de positive vibrations transfrontières. Au travers du bien nommé «You can’t steal my Joy», premier vrai album depuis le EP qui les avait révélés, et qu’ils ne cessent d’aller défendre en live, partout où on se les arraches tant ils élargissent et rajeunissent l’audience vers des publics nouveaux. Ce sera assurément le cas en juillet prochain puisqu’ils seront parmi les attractions de Jazz à Vienne, invités en première partie de Marcus Miller. Quelle affiche !

D’ici là voilà une belle occasion de plonger en avant-première dans l’univers d’Ezra Collective, surtout dans l’intimité d’un club qui sied parfaitement à l’ambiance d’une telle musique, même et surtout quand comme se soir, la scène de Feyzin blindée de sept cents personnes affiche complet.

Un quintet emmené par son leader le batteur Fémi Koleoso, en osmose fusionnelle avec son jeune frère TJ Koleoso qui tient la basse et où resplendit une paire d’as primordiale côtés, avec les fabuleux Ife Ogunjobi à la trompette et James Mollison au sax ténor, tous enrobés par le Fender Rhodes et les synthés électro de Joe Amon-Jones qui se substituent incroyablement avec ses effets wah-wah à une guitare manquante.

Pour se mettre dans l’ambiance avant que n’entre chacun d’eux, la scène plongée dans le noir diffuse une bande-son lourdement dub. Tempo que les musiciens adoptent dans la foulée en intro sur Ego Killah, où déjà flamboie la rutilance afrobeat des deux souffleurs. Impressionnant d’aisance, le chef d’orchestre derrière sa batterie développe une frappe précise sur ses toms au gros son médium, et il n’en faut pas plus si ce n’est un bon gimmick de cuivres, pour déclencher déjà des hola dans la foule toute émoustillée. Bienvenue chez nous, et bienvenue chez eux, visiblement très heureux de nous faire partager leur univers avec Welcome to my World, afro-jazz porté par un Rhodes electro sur un tempo martial asse tech’, et qui ne ressemble à personne. Le mélange entre afrobeat et electro est particulièrement affirmé après No Confusion sur Togheterness, avec là encore un faramineux travail du drummer, le claviériste alternant rafale d’orgue et groove de Clavinet, tandis que la trompette prend la lumière dans un chorus tonitruant. Elle remet le couvert dans la foulée directe de Space is the Place qui revient au tempo  appuyé du dub, par la basse et son gros beat haché. Après un long solo de sax ourlé de nappes, ce tempo monte en speed avec les percussions qui prennent le relais, Fémi frappant avec une folle dextérité les rebords de sa caisse claire. La ligne de basse entre à son tour en frénésie et la luxuriance sonore des cuivres ne peut que nous rappeler ce que l’on a  précédemment vécu ici avec Kokoroko.

Pas de break, la basse maintient le beat alors que le batteur tape d’une main et tient le micro dans l’autre pour ambiancer la foule en délire, tout à fait comme sait le faire notre ami Vim chez Supergombo. Instinctivement réceptif, le public très chamarré et pluri-générationnel présent ce soir est chaud bouillant pour continuer à se faire porter par le groove electro-funky  du bien nommé Electric Relaxation et sa superbe trompette, avant un Live Strong / Smile Ending où le batteur fait encore le show dans une ambiance très latino-caraîbe.

Les deux souffleurs poursuivront leurs dialogues enflammés sur fond de synthé dub psychédélique où,effectivement, You can steal my Joy. Chacun fait le show durant ce set d’une heure trente, comme encore le trompettiste en véritable King of the Jungle qui hypnotise l’auditoire en descendant faire s’asseoir par terre tout le monde, avant que d’un même mouvement tous bondissent du sol. Avec Ezra Collective, on sent la sincérité d’un groupe qui se nourrit de l’énergie du public pour lui renvoyer la sienne au fil des derniers titres, avec un leader très prolixe, excité de communiquer avec le public, enchaînant sur Victory Dancer puis sur le très latino Sao Paulo et son irrésistible tricot de basse. Le temps à filer sans qu’on s’en aperçoive, la fête battra partagée battra encore son plein pour finir par l’afrobeat très dansant de Juan Pablo, et, enfin, les multiples variations plus apaisées de Chapter7.

Et l’on comprend, une fois de plus, pourquoi cette fascinante nouvelle scène londonienne qui nous fait tant d’effets connaît un tel engouement !

 

 

 

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