(69) RhôneL'Epicerie Moderne

04/02/2023 – Ezra Collective à l’Epicerie Moderne

De Londres à la lumière…

Parmi les représentants éminents de cette fameuse nouvelle scène londonienne dont on parle beaucoup et qui insuffle un vent vivifiant dans le jazz actuel, le quintet british tant attendu nous visitait enfin dans l’atmosphère clubbing et surchauffée de l’Epicerie Moderne, dans la foulée de Kokoroko déjà découvert ici même. Une plongée dans les “positive vibrations” de ce collectif multiculturel où flamboie une paire de cuivres mirifiques, avant-première plus que réussie avant qu’ils ne reviennent en juillet à Vienne, où ils devraient assurément enflammer la première partie de Marcus Miller.

 

Après avoir pu successivement découvrir en live les représentants les plus emblématiques ce cette fameuse nouvelle scène anglaise qui fait le pont entre new jazz et world-music, de Shabaka Hutchings à Nubia Garcia, des merveilleux Nubyian Twist vus à Vienne l’été dernier aux fanfaramineux Kokoroko auxquels on peut précisément les associer (et qu’on a d’ailleurs découverts sur cette même scène de L’Epicerie Moderne), on comble enfin la case manquante du puzzle avec Ezra Collective, dont la tournée interminable depuis la reprise des concerts traverse l’Europe et s’arrêtait chez nous.

Fer de lance de plus en plus adulé de ce renouveau musical, le quintet purement londonien tout à l’image multiculturelle et inter-raciale de la capitale britannique, développe avec force cette dynamique de positive vibrations trans-frontières. Au travers du bien nommé «You can’t steal my Joy», premier vrai album depuis le EP qui les avait révélés, et qu’ils ne cessent d’aller défendre en live, partout où on se les arrache tant ils élargissent et rajeunissent l’audience vers des publics nouveaux. Ce sera assurément le cas en juillet prochain puisqu’ils seront parmi les attractions de Jazz à Vienne, invités en première partie de Marcus Miller. Quelle affiche !

D’ici là voilà une belle occasion de plonger en avant-première dans l’univers d’Ezra Collective, surtout dans l’intimité d’un club qui sied parfaitement à l’ambiance d’une telle musique, même et surtout quand comme ce soir, la scène de Feyzin blindée par sept cents personnes affiche complet.

 

Un quintet emmené par son leader le batteur Fémi Koleoso, en osmose fusionnelle avec son jeune frère TJ Koleoso qui tient la basse et où resplendit une paire d’as -primordiale- côtés cuivres, avec les fabuleux Ife Ogunjobi à la trompette et James Mollison au sax ténor, tous enrobés par le Rhodes et les synthés electro de Joe Amon-Jones qui se substitue incroyablement avec ses effets wah-wah à une guitare manquante.

Pour se mettre dans l’ambiance avant que n’entre chacun d’eux, la scène plongée dans le noir diffuse une bande-son lourdement dub. Tempo que les musiciens adoptent dans la foulée en intro sur Ego Killah, où déjà flamboie la rutilance afrobeat des deux soufflants. Impressionnant d’aisance, le chef d’orchestre derrière sa batterie développe une frappe précise sur ses toms au gros son médium, et il n’en faut pas plus, si ce n’est un bon gimmick de cuivres, pour déclencher la ferveur dans la foule toute émoustillée.

Bienvenue chez nous, et bienvenue chez eux, visiblement très heureux de nous faire partager leur univers avec Welcome to my World, afro-jazz porté par un Rhodes electro sur un tempo martial assez tech’, et qui ne ressemble à personne. Le mélange entre afrobeat et electro est particulièrement affirmé après No Confusion sur Togheterness, avec là encore un faramineux travail du batteur, le claviériste alternant rafales d’orgue et groove de Clavinet, tandis que la trompette prend la lumière dans un chorus tonitruant. Elle remet le couvert dans la foulée directe de Space is the Place qui revient au tempo  appuyé du dub jamaïcain, par la basse et son gros beat haché. Après un long solo de sax ourlé de nappes, ce tempo monte en speed avec les percussions qui prennent le relais, Fémi frappant avec une folle dextérité les rebords de sa caisse claire. La ligne de basse entre à son tour en frénésie et la luxuriance sonore des cuivres ne peut que nous rappeler ce que l’on a  précédemment vécu ici avec Kokoroko.

Pas de break, la basse maintient le beat alors que le batteur tape d’une main et tient le micro dans l’autre pour ambiancer la foule en délire, tout à fait comme sait le faire notre ami Vim chez Supergombo. Instinctivement réceptif, le public très chamarré et pluri-générationnel présent ce soir est chaud bouillant pour continuer à se faire porter par le groove electro-funky  du bien nommé Electric Relaxation et sa superbe trompette, avant un Live Strong / Smile Ending où le batteur fait encore le show dans une ambiance très latino-caraïbe.

Les deux soufflants poursuivront leurs dialogues enflammés sur fond de synthé dub psychédélique où, effectivement, You can steal my Joy. Chacun fait le show durant ce set d’une heure trente, comme encore le trompettiste en véritable King of the Jungle qui hypnotise l’auditoire en descendant faire s’asseoir par terre tout le monde, avant que d’un même mouvement tous bondissent du sol. Avec Ezra Collective, on sent la sincérité d’un groupe qui se nourrit de l’énergie du public pour lui renvoyer la sienne au fil des derniers titres, avec un leader très prolixe, excité de communiquer avec le public, enchaînant sur Victory Dancer puis sur le très latino Sao Paulo et son irrésistible tricot de basse. Le temps a filé sans qu’on s’en aperçoive, la fête partagée battra encore son plein pour finir sur l’afrobeat très dansant de Juan Pablo, et enfin, avec les multiples variations plus apaisées de Chapter 7.

Et l’on comprend, une fois de plus, pourquoi cette fascinante nouvelle scène londonienne qui nous fait tant d’effets connaît un tel engouement !

 

PS : Le point de vue du “fauxtotographe” : La production de Ezra Collective a tout d’abord autorisé les photos sur ce concert, pour les restreindre ensuite aux dix premières minutes. Comme nous pouvions nous y attendre ces dix premières minutes furent un enfer pour nos capteurs d’appareils numériques : Projecteurs rouges “à contre”, fumigènes à fond et projecteurs blancs en mode stroboscopique. Impossible de “caler” une photo ! Bizarrement à l’issue des dix minutes allouées le feu d’artifice s’est calmé… allez savoir pourquoi ?

Ont collaboré à cette chronique :