17/07/2023 – Le Cri du Caire / Avishai Cohen aux Nuits de Fourvière

17/07/2023 – Le Cri du Caire / Avishai Cohen aux Nuits de Fourvière

Un plateau entre cri du cœur et déception

Le plus long festival de France proposait ce lundi 17 juillet un plateau de choix avec le très récemment auréolé d’une victoire du jazz « Le cri du Caire » (section musiques du monde), augmenté du survolté Médéric Collignon, ainsi que le nouveau projet de l’ex-contrebassiste de Chick Corea, Avishaï Cohen.

 

Le Cri du Caire, coup de cœur de la soirée, propose en ouverture un voyage initiatique envoutant et hypnotique avec un trio saxophone, violoncelle et chant soufi de toute beauté. Et en guest, le très débridé Médéric Collignon au bugle, trompette, onomatopées et autres percussions vocales et corporelles…Le groupe remercie pour sa victoire du jazz dès la fin du premier titre, puis enchaîne avec un morceau psalmodié : la musique se situe entre jazz oriental et free occidental et les quatre musiciens rentrent vite dans une transe irradiante qui ne se terminera qu’à la fin de leur set. Puis Médéric se lance dans un scat, rappé, bruitiste du plus bel effet. Le saxophone quant à lui, libère un souffle continu entre John Surman et Archie Shepp. La musique du trio est magique et enchanteresse mais la greffe avec Médéric marque le pas, comme si les deux univers ne pouvaient se fondre totalement même s’ils arrivent à communiquer… Le groupe est très respectueux de la technique et ne manque pas de saluer la régisseuse son qui les a sonorisés, et rappelle également que leur disque est disponible pour le public…Le Cri du Caire est une belle découverte esthétique et la formation sera à suivre de près… Gageons que des réalisateurs de cinéma ne manqueront pas de les solliciter pour des bandes originales de films, tant leur musique est inspirante et puissante, pleine d’émotion.

 

Avishaï Cohen présente ensuite son nouveau projet afro-caribéen Iroko en septet avec une joie évidente. Mais les premiers morceaux plutôt lents et très emprunts de tradition nous laissent sur la faim. Surtout pas un soupçon de jazz dans cette musique ce qui surprend de la part d’Avishaï… Il s’est moulé dans cette nostalgie cubaine sans aucun apport personnel ou touche jazzistique… On attendait un soupçon de latin-jazz, mais que nenni. S’il fait corps avec Abraham Rodriguez JR, il manque d’espace pour y apporter sa pâte musicale et instrumentale, pourtant si reconnaissable. Même le son de sa contrebasse et le rendu de ses chorus (pourtant d’habitude majestueux et si doux à nos oreilles) sont médiocres… Quelle déception ! Au milieu du concert, Avishaï voulant plaire au public français annonce une relecture de Fauré La sicilienne, mais son adaptation salsa n’est pas convaincante et ce n’est pas cette esquisse de danse légèrement ridicule entre la chanteuse Virginia Alves et Abraham Rodriguez JR au-devant de la scène qui sauvera cette adaptation… Seul le chorus contrebasse/ batterie relance l’attention. La suite du set est plus énergique avec une reprise du It’s a Man’s Man’s Man’s Word de James Brown très réussie. « Vous pouvez danser c’est bon pour l’âme » ! Le public ne va pas se faire prier… Vers le huitième titre, les trois congas sont séparées pour trois musiciens et c’est parti pour une Rumba des plus percussives ! Avishaï, qui a quitté sa contrebasse fait taper le public dans ses mains, l’ambiance festive est palpable mais la musique reste engluée dans la tradition jusqu’aux rappels. Le premier de ceux-ci permet au percussionniste de prendre le micro pour reprendre le No woman no cry de Marley…Étrange choix qui ravit pourtant le public…Puis le Septet rebranche la veine afro caribéenne pour deux morceaux supplémentaires qui n’apporteront rien de plus à cette musique placée décidément sous le signe de la tradition pure et de la nostalgie surannée…On attendait vraiment autre chose d’un musicien de la trempe d’Avishaï Cohen et on se prend à avoir envie de réécouter ses trios Contrebasse/ Piano/ Batterie…A croire que la symbolique de l’Iroko, arbre rituel des cultures d’Afrique de l’ouest, cœur même de ce projet, aura plutôt contribué à figer la musique que la libérer de ses carcans traditionnels…

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