07/11/2023 – Marcus Miller au Radiant-Bellevue

07/11/2023 – Marcus Miller au Radiant-Bellevue

Un quintet pour vibrer !

On a quitté Marcus Miller sur la scène de Jazz à vienne début juillet et on le retrouve presque pile quatre petits mois plus tard au Radiant-Bellevue de Caluire pour le plus grand plaisir d’un public relativement âgé (et oui malheureusement le public du jazz comme celui du cinéma vieillit !), dans une configuration moitié debout/ moitié assis qui, à côté du théâtre antique, faisant presque penser à un club de jazz ! La proximité entre les musiciens et les spectateurs permet au moins à ceux présents dans la fosse d’apprécier ce quintet de rêve qui accompagne l’ancien compagnon de route de Miles. Et quel quintet… Un Quintet pour vibrer ! Entre la batterie d’Anwar Marshall qui crépite de mille feux et qu’il manie aussi talentueusement en ternaire qu’en binaire, avec les baguettes ou les balais, toujours en interaction avec bonheur et complicité avec Marcus (c’est une des meilleures rythmiques jamais entendue tous styles de musique confondus !), et la section de cuivre qui envoie sévèrement du lourd avec Donald Haynes en tête qui rayonne au saxophone et Russel Gunn qui affiche une puissance de jeu exceptionnelle et pour lequel Marcus rappelle sa connexion avec Miles, étant natifs tous deux d’Alton en Illinois, sans oublier le claviériste Xavier Gordon, solide et tout terrain.

Le premier morceau Untamed issu du dernier album en date du bassiste (bon, Marcus, 2018 ça date un peu… il faudrait s’y remettre !), fait démarrer le groove et le public est déjà conquis par celui qui affiche ses 64 ans en jeune homme… L’humanité et la générosité conservent, le talent aussi… Le second morceau fait frémir les afficionados avec une très belle version d’un de ses plus beaux titres, Untitled, qui va permettre au trompettiste de s’illustrer d’une belle manière, avant de laisser la place à un chorus époustouflant du leader à la Fender jazz Bass. Marcus et Anwar affichent une complicité sans faille qui ne se démentira jamais jusqu’à la fin du set, un bonheur de jeu et de complicité qui fait en soi tout le sel de cette soirée caluirarde. Puis Marcus égrène ses meilleurs titres à l’image de Detroit et February mais c’est Mr. Pastorius, composition-hommage au virtuose de la basse que Marcus a soumis à Miles et qui l’a retenue sur l’album Amandla, qui enchante la salle avec ses changements de rythmes et qui consacre le trio basse/ batterie/ clavier en faisant progresser le rythme ternaire de plus en plus rapidement au cours du morceau, un vrai régal pour un fan de jazz et de rythmique ! Puis Marcus se pose et présente au public Gorée un titre qu’il a composé après un séjour au Sénégal sur l’île du même nom, en pensant aux esclaves africains qui sont ses ancêtres et dont l’évocation de leur condition le rend à la fois en colère et triste, et qu’il a joué durant cinq ans avant de passer à de nouveaux morceaux. La situation actuelle internationale et les reculs de la paix dans notre monde l’ont poussé à la rejouer sur scène. Il prend alors sa clarinette basse dont il joue merveilleusement bien ; clarinette qui a été son premier instrument encore enfant, et la magie opère : la mélodie est d’une beauté à couper le souffle et le public est en communion totale avec lui… Au bout d’un moment il pose son instrument pour aller vers le public esquisser quelques pas d’une danse avec comme base une gestuelle tournée vers la paix et vers autrui… Il faut rappeler encore et toujours que Marcus est un artiste de « l’Unesco pour la paix ». Puis, une longue introduction à la basse laisse place au Tutu de légende, le blockbuster du compositeur qui a permis une renaissance artistique à Miles en son temps. Très vite après exposition du thème une rythmique africaine/ calypso permet de libérer les chorus de la « Dream Team du rythme » : Marcus et Anwar livrent des solos dantesques avec une ferveur inégalée, avant de revenir à la mélodie du morceau mais en tempo accéléré ! Déjà Marcus annonce la fin du concert et présente à nouveau ses complices et alter égos de ce quintet pour lequel on finit par ne plus lui trouver de superlatifs tant il excelle et surprend par sa créativité et sa fougue. Le public va en réclamer évidement encore, lui qui n’est même pas rassasié après quasi deux heures d’un show intense…Le double titre enchaîné en rappel prolonge l’extase avec le plus grand morceau composé par le regretté saxophoniste soprano Wayne Shorter- lui aussi compagnon de route de Miles- Footprints, collé avec une chanson phare des « Fab Four » : ce Come together que Marcus aime toujours jouer sur scène. Les musiciens affichent toujours ce plaisir de jouer ensemble et de s’épater les uns les autres…C’est ce qui constitue une des marques de fabrique de ce groupe conçu autour d’un artiste entré très tôt dans l’histoire du jazz.

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