Après la démonstration édifiante de l’ensemble She’s Analog, déclinant de façon très originale les “possibles” du trio se confondant avec bonheur à l’électronique,
c’est le Trio Grande qui venait occuper la grande scène du Périscope, pour cette avant dernière soirée du Récif – festival jazz à Lyon avec Nate Wood sur le siège du batteur (jouant également et en même temps de la basse électrique), Will Vinson au saxophone ténor (qui pilote aussi des claviers électroniques) et Gilad Hekselman à la guitare, trois musiciens produisant de ce fait le son d’un quintet.
Les programmateurs du Hot Club de Lyon avaient déjà détecté la pépite puisque le collectif avait pu démontrer toute l’étendue de son savoir – faire lors de sa prestation du 21 novembre 2022.
Il s’agit en effet d’un “All stars” réunissant trois des musiciens les plus inventifs, passionnants et accomplis de la culture musicale contemporaine de New York, travaillant à l’interface du jazz-fusion, du funk ou du rock pour un résultat éblouissant de cohérence et de caractère.
Les mesures audacieuses et langoureuses de la texture puissante de Vinson, sa remarquable technique et la chaleur de son phrasé, enrobent à merveille la souplesse et le foisonnement du drive de Nate Wood (dont le talent fut illustré avec brio par un solo exécuté en dernière partie sur la batterie et simultanément à la basse électrique) et propulsent le jeu exceptionnel de Gilad Hekselman, probablement le meilleur guitariste de sa génération, émancipé maintenant de la tutelle et des influences de Pat Metheny ou Kurt Rosenwinkel, ou certains ne l’ayant pas écouté attentivement l’avaient cantonné.
Son expression sur des compositions simples et répétitives, doublées d’une mélodie flottante, sa manière d’envoyer des citations comme des clins d’œil à son public très expert ou il manie avec une égale réussite les débordements du free, les embardées du rock avec une sonorité fougueusement luminescente et fluidement rageuse évoquant Jimmy Hendrix ou encore les évocations apaisées du classicisme d’un Jim Hall, témoignent d’une maturité exceptionnelle.
En termes de sensation temporelle, de technique, de projection sonore, on atteint là un sommet de sophistication inégalé.
Trio Grande a déjà produit cinq ou six albums que j’ai envie de faire tourner en boucle à la maison, un régal.