Encore une découverte au festival Jazz dans le Bocage avec Jin Jim, ce quartet allemand fondé en 2013 et dont c’est le premier passage en France ; il affiche pourtant trois albums au compteur dont un chez ACT. L’équipe de programmation est décidément très éveillée et ouverte, et surtout loin des autoroutes des blockbusters.
Hard rock, jazz et un doigt de latin-jazz peuvent constituer un agréable cocktail énergisant, Jin Jim en est la preuve.
Et cela débute avec Quiero todo (une composition du contrebassiste Ben Tai Trawinski qui signera de nombreux morceaux présentés ce soir ; en toute bonne logique ce morceau est le premier de leur premier album « Die Ankunft » sorti en 2015) quelques riffs de guitares bien sentis, une batterie lourde et la flûte qui s’envole, Daniel Manruque-Smith danse en jouant de celle-ci.
À la fin du morceau il présente les musiciens et explique que le guitariste Philipp Ullrich remplace le titulaire Johannes May qui vient d’être père et que Nico Stallmann, malade, est remplacé au pied levé par Simon Scheibel aux baguettes. Il n’aurait pas indiqué ces précisions que nous n’y aurions vu que du feu tellement ce quartet est soudé dès les premiers accords.
Avec Talking orange, Philipp Ullrich se lâche sur un chorus superbe, la batterie n’est pas en reste (Billy Cobham a été certainement ici source d’inspiration) et le flûtiste enchaîne avec élégance et raffinement. Daniel Manrique-Smith est une vraie découverte, il connaît son Ian Anderson et son Peter Gabriel par cœur et en a assimilé toutes les subtilités.
Passé la stupeur des premières minutes, dès ce deuxième morceau le public leur est acquis.
World and hold a été écrit durant la pandémie et exprime sur un mode calme le désarroi subi par ces millions de personnes confinées et réduites à l’isolement. Le morceau est ici calme, presque méditatif et n’est pas sans nous rappeler quelques accords de Cold Song de Purcell revisité par un autre Allemand, Klaus Nomi.
Kaiser a été écrit par le batteur du groupe Nico Stallman, Daniel Manruque-Smith présente ce morceau comme l’essence même du groupe. Un superbe solo de flûte sous un éclairage violet du plus bel effet (merci Florian aux manettes), une démonstration de souffle continu pendant plus de cinq minutes ! Le public applaudit avant même la fin de la prouesse. Puis le quartet reprend en chœur un ragga avant de s’envoler dans un style rock harmonieux. Guitare et batterie s’épaulent. Ben Tai Trawinski s’y met ensuite et nous montre de quel bois il sait faire chauffer sa grand-mère, ça pulse « sa mère « ! Simon Sheibel n’est pas en reste et reprend ensuite la main. Ce morceau très long est un véritable catalogue du savoir-faire de ce groupe qui alterne les ambiances et les émotions. Ces quatre-là soufflent le froid et chaud sans crier gare et nous embarquent avec une facilité déconcertante dans leur univers foisonnant, on sent l’inspiration qui passe par Weather Report ou Return to forever voire le Mahavishnu Orchestra.
Le public est comblé.
Landscapes (encore une composition du contrebassiste) débute par un solo de contrebasse où Ben Tai Trawinski prend le temps d’installer le paysage et puis chacun s’intègre avec délicatesse dans cette pièce musicale légère comme une plume. Superbe !
5th millenium est extrait de leur troisième album « New choices » sorti en 2023 où ils s’essaient à de nouveaux sons et instruments. Ben Tai Trawinski passe au synthé et à la basse électrique. Lui qui était scéniquement plutôt discret se prend au jeu de la rock star et passe sur le devant de la scène.
Puis on fait un tour par le sous-continent indien avec Ring Chicky Ta dont le thème s’inspire des harmonies indiennes.
Fin du rêve avec Dreaming qui est l’état que doit avoir tout musicien de jazz nous mais aussi tout humain nous explique Ben Tai Trawinski. Un morceau très lent qui monte progressivement en tension, où le calme se densifie avant de virer rock.
Le public est debout pour le salut. Et comme il ne faut pas faire attendre la belle… nous n’aurons pas le rappel attendu. Dommage !
Un groupe à revoir très vite, avis aux programmateurs.
Ben Tai Trawinski: contrebasse, basse, synthétiseur ; Daniel Manrique-Smith: flûtes ; Philipp Ullrich: guitare ; Simon Sheibel: batterie