09/05/2024 – Phonem à Jazz dans le Bocage

09/05/2024 – Phonem à Jazz dans le Bocage

Concert de prime abord déconcertant s’il en est. Maïlys Maronne, pianiste-vocaliste-compositrice y développe un concept alliant musique, mathématiques et graphismes géométriques. Chaque morceau se définit par un ensemble de séquences mélodiques et rythmiques concises auxquelles sont associées autant de figures géométriques colorées, constituant un code graphique unique. Voilà pour la matière première. Ces figures sont reportées sur un dessin qui va représenter les cheminements possibles entre les différentes séquences (par exemple, le morceau Eole s’inscrit dans la représentation d’une éolienne, cf. photo). Voilà pour le terrain de jeu. Ne manque plus que la règle du jeu, qui comme tout jeu bien conçu, est très simple : le premier qui se saisit d’une séquence donne l’impulsion du départ, aux autres de se positionner dans la même zone pour constituer un ensemble harmonieux. La répétition des séquences constitue le terreau idoine au développement de plages d’improvisation individuelles ou collectives. Si l’initiative des changements est libre, Maïlys dispose quand même d’une cloche pour inviter l’orchestre à se déplacer sur le dessin. Ainsi sont associées les harmonies des couleurs, des formes et des sons.

Simplicité ne valant pas simplisme, la formule exige des musiciens une immense capacité d’écoute et une grande complicité afin de profiter de la liberté quelle leur accorde.

Pour démarrer, Maïlys égrène quelques accords au piano, sur lesquels elle pose avec naturel sa voix au timbre envoûtant. Au sax alto, Reno Silva-Couto place un contrechant subtil. Piano et guitare enchaînent ensuite une série d’accord légèrement dissonants, puis tous les instruments reprennent une phrase chantante à l’unisson et en homorythmie. Vincent Duchosal entame un chorus mélodieux, le piano et la guitare enchaînent de concert une transition vers un autre univers, s’ouvrant sur une improvisation en trio piano-basse-batterie qui décoiffe. Nicolas Bauer à la basse et Thibault Perriard s’en donnent à cœur joie entre décalages et syncopes, pour mieux se retrouver à intervalles réguliers dans la même cadence. Déroutant.

Blues Blanche est l’occasion pour Reno Silva-Couto de prendre un grand solo fait de petites phrases qui se combinent admirablement avec les séquences répétitives de ses congénères. Le son est rond, velouté, et quelques traits rageurs viennent ponctuer son propos.

Eole évoque la tempête et le vent fort dans les têtes et dans les arbres. Le solo de piano de Maïlys restitue le chaos, avec des associations de notes très inattendues.

S’ensuit une plage propice à la détente et la méditation. La guitare prend des sonorités de voix féminine, Thibault Perriard caresse ses peaux aux balais et à la main. Nicolas Bauer distribue ses notes avec parcimonie. Les silences ont une importance primordiale dans ce morceau.

Clockwise and Reverse s’appuie sur une cadence métronomique propice aux rafales sonores des improvisations.

Geometrik 5 est un patchwork musical où Nicolas Bauer trouve sa place pour un chorus « géométrique » de très bon aloi.

Au sortir de cette expérience, il faut un peu d’analyse pour comprendre ce qui fait que l’impression d’ensemble est une harmonie partagée qui repose sur un liant invisible. Le concept est savant, mais le plaisir de l’écoute n’est pas réservé aux initiés.

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