La nouba d’un combo qui nous veut nubien
Rapatrié de l’Epicerie Moderne au Périscope finalement bien garni, le set des excellents Nubiyan Twist, présentant leur tout dernier opus «Find Your Flame», confirme la prééminence de ce combo parmi les plus représentatifs de la scène londonienne actuelle, avec un electro-jazz groove encore plus urbain, gorgé de hip-hop et d’afrobeat, porté notamment par leur nouvelle chanteuse, la jeune Aziza Jaye.
On l’a souvent dit ici, l’Epicerie Moderne de Feyzin est devenue ces dernières années la vitrine quasi exclusive par chez nous de la bouillonnante scène londonienne en matière d’electro-jazz pluri-ethnique. C’est là qu’on aura vu notamment Nubya Garcia, Kokoroko, Ezra Collective ou Kamaal Williams, ne manquait plus qu’à l’appel l’un des plus émoustillants combos avec les Nubiyan Twist. Un collectif à géométrie variable, originaire de Leeds, pour lequel nous avions patienté jusqu’à 2h du mat’ lors de la All Night jazz finale de Jazz à Vienne en 2022, juste pour se délecter de leur mémorable set d’une heure, impecc’et classieusement groovy. J’étais donc interloqué d’apprendre que faute de résas suffisantes, le concert de l’Epicerie était transféré au Périscope, plus à l’échelle, où la bonbonnière de Perrache s’est finalement bien garnie de la fosse à la coursive pour honorer chaudement la présence de l’excellente formation, au lendemain de son passage au New Morning à Paris.
Reçus sept sur set
S’ils sont sept au lieu de neuf avec deux cuivres manquants – le sax ténor de Denis Scully et la trompette de Jonny Enser faisant ici largement l’affaire-, c’est plutôt du côté du chant que l’on trouve du changement, puisqu’avec leur troisième album «Find your Flame» qui vient juste de paraître et justifie cette tournée, c’est désormais Jessica Aziza, aka Aziza Jaye qui tient le micro.
Après la chanteuse initiale Nubiya Brandon à l’origine du nom du groupe, puis la merveilleuse et sensuellement jazzy Ria Moran entendue à Vienne, cette nouvelle jeune chanteuse imprime assurément une patte encore plus urbaine à ce dernier répertoire porté par le leader et bien nommé Tom Excell,à la fois à la guitare et aux percussions qu’il croise avec le drumming du batteur Finn Booth sur les lignes de basse ultra groovy de Luke Wynter, avec toujours Lewis Moody pour enrober tout ça de ses synthés vintage.
Groove de ouf non -stop
Un groove de ouf démarré pied au plancher avec All the Same, mix de hip-hop et de jazz cuivré sur d’intenses percussions. S’il bénéficie sur l’album de la présence de Nile Rogers him-self, inutile de dire combien Lights Out qui suit balance d’enfer avec son tempo hyper funky, créant spontanément une ambiance de flash-mob dans la fosse. Le hip-hop domine sur YDKM puis Slow Breath, avant le tout aussi dansant Breeze, irrésistible!
S’il y a toujours l’esprit du hip-hop dans If I know ouvert par une longue intro de batterie, le chaloupé se fait plus latino avec des cuivres clairement afrobeat.
Voulu selon la chanteuse comme un agréable moment de réflexion, Battle est un petit bijou de nu-soul, seule parenthèse down-tempo au coeur de ce set avant que l’ambiance très afro de FYF relance la machine à groove, entre les petites percus électroniques et la guitare répétitive aux résonances maliennes de Tom Excell, le broken beat au cordeau du batteur et toujours cette puissance cuivrée de l’afrobeat.
Melting-pot pour le dance-floor
Dans ce melting-pot savamment dosé de nombreux styles très actuels, tous venus de différentes cultures mais qui ont pour point commun de nous mettre en état de teuf, le hip-hop rappé de So Mi Stay se nourrit de reggae et de funk et fait courir son onde jusqu’au balcon lui aussi transformé en dance-floor et où s’élève le solo de trompette posé par Jonny Enser. Et ce n’est certainement pas l’afrobeat tonitruant de Carry Me -où c’est cette fois le sax ténor qui vrille en chorus- qui va faire redescendre la température, boostant encore ce groove infernal sur sans doute la plus grosse tuerie du set, avec Woman et son electro-groove syncopé qui tombe grave.
Autre parfait exemple de la géniale hybridation chez les Nubiyan Twist, Pray 4 Me qui clôt le set se livre en deux parties, débutant sur un flow speed de chant hip-hop avec une belle complémentarité des deux frappeurs, avant qu’à nouveau les claps et la tournerie malienne de la guitare nous remmènent vers l’afro-caribéen le plus festif, avec tout un public formant un choeur enflammé pour reprendre l’irrésistible refrain. Un auditoire comptant sans doute pas mal de fans à fond dans le moove, puisque connaissant par cœur les paroles de Tit Tat offert en rappel dans la résonance cette fois d’un electro-dub plombé.
Que du bon fun jusqu’au bout, avec un septet qui, sous la férule de sa nouvelle chanteuse, n’aura jamais amoindri la densité de sa dynamique durant les quatre vingt dix minutes de cette prestation qui nous aura fait un bien fou.
Comme on dit là-bas, so Amazing !