Les risques d’orage ont obligé l’organisation du festival à déménager le concert du théâtre du Rocher à la salle des fêtes de Pierrelatte.
Et c’est finalement un mal pour un bien. On quitte le cadre magique du rocher de Gargantua pour une salle bien équipée, confortable… et climatisée !
À l’heure dite après les discours d’usage, le noir se fait sur scène… le rideau prend quelques couleurs rouge pour accueillir Youn Sun Nah (YSN) accompagnée ce soir par Benjamin Moussay. YSN se présente dans une tunique rouge sur un pantalon noir et des talons aiguille, très élégante comme d’habitude.
Quoi de plus naturel et évident pour Parfum de Jazz qui se présente comme le premier festival en Europe consacré aux Jazzwomen que d’inviter la chanteuse sud-coréenne YSN d’autant plus qu’elle assure la promotion de son dernier album « Elles », où il n’est question que de femmes.
Elle s’empare de sa petite kalimba pour nous donner sa version très calme de Feeling good*, contrairement à d’autres versions vues en concert, Benjamin Moussay se joint à l’accompagnement avec son Fender Rhodes.
YSN indique reprendre la chanson Libertango d’Astor Piazzola et immortalisée par Grace Jones l’égérie de Jean-Paul Goude avec le titre I’ve seen that face before* en 1981 et qui avait fait l’effet d’une bombe à l’époque. La version de ce soir, en duo, revient à l’esprit tango grâce aux attaques incisives de Benjamin Moussay au piano.
La chanteuse s’attaque à un standard de jazz, un ancien negro-spiritual Sometimes I feel like motherless child*, elle le fait à sa manière sur un tempo très lent, empli de solennité.
Avec Coisas da Terra*, la version de Maria João, YSN reprend celle d’une de ses artistes préférées qui démontre si besoin en était les qualités de vocaliste virtuose de YSN.
Autre jolie reprises, Killing me softly with his song* (de Charles Fox et immortalisé par les Fugees) avec sa seule boîte à musique, une douceur émouvante. En dépit de la sobriété de l’interprétation c’est un des moments forts du concert. Le public reprend spontanément le refrain dans la bonne tonalité.
God’s gonna cut you down : grosse entame au piano filtré et saturé par la boîte électronique bourrée de câbles posée sur le piano, un « synthétiseur modulaire » assemblé par Benjamin . (C’est bien la peine de disposer d’un superbe Steinway de concert pour faire ça un simple piano droit bastringue ferait l’affaire). YSN nous montre un autre aspect de sa voix : elle « shoute » et semble s’étonner elle même.
Song to the siren, une ballade entamée avec le Fender Rhodes, encore une fois YSN nous montre toute sa délicatesse dans les tempos lents.
Baltimore oriole*, il s’agit d’une chanson de 1942 musique de Hoagy Carmichael et paroles de Paul Francis Webster. Benjamin Moussay en donne une version très dépoussiérée et vivace.
White rabbit* de Grace Slick créée en 1965 a été entre autres reprise par Jefferson Aiplane deux ans plus tard puis désormais par YSN.
Elle nous annonce un standard, à nous de le reconnaître… facile les premiers mots sont My funny Valentine*, cela nous donne un bon indice ! Encore une fois il s’agit d’une version minimaliste
Hot knife commencé façon IRCAM au synthé, YSN joue d’une petite cloche tubulaire . Encore un morceau où la technique vocale et la labialisation sont impressionnantes. Et pendant ce temps là Benjamin Moussay se donne à fond sur ses deux claviers. Puis YSN se livre à un exercice de scat basé sur des cris et de la respiration et quelques envolées lyriques le tout en contrastes brutaux. Hallucinant, même si peu musical, avant de finir Hot knife.
Just sometimes de Norma Winstone (2010), encore une chanson calme où le texte a toute son importance (voir ici)
Fin du set, une bonne partie de la salle est debout, enthousiaste.
Rappel sur La foule*.
Second rappel sur Jokey full of Bourbon de Tom Waits commencé en se pressant les narines pour produire une voix nasale et plutôt ridicule avant de descendre d’un octave, et de virer à la démonstration vocale.
Nous avons eu droit à un excellent concert de Youn Sun Nah, minauderies comprises, très très bien accompagnée par Benjamin Moussay, inventif.
*: Ce morceau fait partie du dernier album de Youn Sun Nah « Elle’s »