
Le festival prend ses quartiers à la salle du Diapason pour les trois derniers jours de cette quatrième édition.
En première partie, nous avons le plaisir d’écouter les élèves du conservatoire de Roanne Agglomération sous la direction de François Forestier. La section saxophones est bien représentée (un baryton, deux ténors, trois altos), un trompettiste et bugle, clavier, basse, guitare et batterie. Au programme, des standards de jazz dont Sweet Georgia Brown, Misty….. et pour finir Bud’s blues. Une belle énergie de groupe qui rassemble tous les âges, tout le monde suit attentivement François et la magie opère, des improvisations, de beaux arrangements, le plaisir dans les yeux de chacun, bref, tout y est.
Une petite pause et le groupe Flöcon Völcan investit la scène pour nous embarquer dans son monde, un moment jubilatoire. Toutes les œuvres sont le fruit de l’imagination débordante de Camille Maussion et de l’alchimie inventive et sensible des quatre musiciens.
Sur le devant de la scène, face à face, Célia Forestier à la voix et effets et Camille au saxophone soprano se lancent dans une conversation improbable sur Coâ Coâ mon Coâ. Camille joue avec les sons émis par son sax, cela se transforme en partie de ping-pong entre les deux acolytes avant d’introduire une mélodie à deux. Le clavier prend la parole en notes répétitives dans les graves et Clément Petit en profite pour s’engager énergiquement dans une improvisation magistrale au violoncelle, ponctuée de sons insolites à la batterie et objets sonores. C’est ainsi que Camille présente le batteur Maxime Rouayroux qui s’amuse avec ses baguettes autant sur les toms que sur tous les grigris qui l’entourent. Camille se lance également dans un chorus, le son est magnifiquement rond, un jeu dans les aigus d’une justesse sans faille avec son corps qui danse autour de son saxophone tel un serpent au son de l’instrument. Le saxophone est la prolongation de son être, de sa voix et elle en connaît toutes les subtilités. Puis Camille dans les aigus, Célia dans les graves, les deux voix s’entremêlent. Le public est conquis et se laisse emporter par ce petit grain de folie au service de l’improvisation, du temps présent et des sons qui s’imbriquent jusqu’à ne plus savoir qui est qui.
Jeannette mon amour, écrit pour sa grand-mère dont le compagnon de quatre-vingt dix neuf ans et demi était très mal en point lorsqu’elle est allée les voir dans le Nord. Elle ne pensait jamais le revoir et pendant le voyage du retour, elle a commencé à imaginer cet hymne à la vie. Pourtant, non seulement il s’est remis, mais en plus à son réveil il a dit treize fois « je t’aime » à sa grand-mère ; cerise sur le gâteau, il a fêté ses cent ans.
Bruitages par Maxime en frappant dans de petites coupelles en inox entre autres accompagné du clavier, quelques notes du violoncelle en réponse au saxophone, ou bien l’inverse, puis le chant de Célia se dépose par-dessus. Tout est douceur, le rythme est très lent avant une envolée, reflétant l’amour et la vie qui triomphent, au sax et à la voix.
Sur un rythme entraînant, voici Youtsi qui nous transporte dans les montagnes. Camille siffle, slappe et klaxonne dans son bec, puis de la douceur comme une berceuse des deux vocalistes. Maxime sur les cymbales accompagne avec délicatesse ce moment délicieux. Une improvisation au clavier de Clément Merienne soutenue par du slap au violoncelle de l’autre Clément, le sourire, voire le rire aux lèvres tant il prend plaisir à ce partage musical. Quelle belle équipe complémentaire sous la direction énergisante de Camille.
Fermons les yeux et écoutons le bruit du flux et du reflux de l’Océan, si bien interprété par le souffle de Camille et la voix de Célia. Maxime émet un sifflement aigu en faisant glisser un archet sur une barre métallique avant de le frotter sur ses petits bols.
Le chant des sirènes nous attire implacablement au fond de l’océan, en apnée, avant que la tempête ne se déchaîne, interprétée par clavier, violoncelle, voix et son continu au sax ainsi que le déluge des gouttes à la batterie. Le chant des sirènes nous ramène à la surface.
Départ syncopé sur Red Balloon où nous pouvons nous détendre sur un parfait duo de Camille et Célia qui installe une ritournelle à la voix sur laquelle le saxophone ténor se glisse et improvise, flirtant aisément avec les suraigus.
Partons en cuisine où tout le personnel est important pour réussir un plat avec amour, de l’imagination et un brin d’extravagance, et ils nous concoctent une Île flottante. Une note chacun au clavier, violoncelle puis voix et sax dans un souffle. L’archet de Clément s’impose dans une belle mélodie qui se termine en solo. Les sons s’emboîtent les uns dans les autres, le clavier reprend des sons de sax, on ne sait plus qui mène la danse, mais chacun a sa place et son importance dans cette brigade.
Le concert touche à sa fin avec ce dernier morceau auquel il faut trouver un nom, initié par un son de velours au soprano. Instabilité (voulue) des mesures, quelques notes en réponse comme une réverbération du clavier, une ritournelle au violoncelle qui me fait penser à celle derrière la voix sur la TSF de l’émission « Les Français parlent aux Français ». Puis, des notes qui tombent telles des gouttes d’eau où s’imbrique la voix de Célia reprise par le clavier qui décidément a la répartie facile, toujours prêt à nous surprendre sans être vraiment certain que le son vienne de lui. Des carrures versatiles, des ralentis et des accélérations suivis par tous. Un chorus de Clément rejoint par Camille avant que la cadence ne redevienne plus carrée sur une homorythmie entre sax et voix que Célia développe en envolée lyrique vraiment à l’aise dans tous les registres et d’une grande spontanéité.
Une surprise pour les spectateurs prévue par Camille : les musiciens du Conservatoire reviennent sur scène ainsi que chanteur et chanteuses dont Célia, pour une performance de « sound painting ». Cette discipline, créée par Walter Thompson, utilise un langage des signes universel qui permet la composition en temps réel. Camille se régale à diriger ainsi tous les élèves qui ne la quittent pas des yeux et s’amusent (sérieusement toutefois et concentrés) sur cet exercice d’improvisation piloté de main de maître par Camille. C’est une réussite, des réponses brèves ou pas de chaque pupitre, des improvisations de certains, de la dynamique et toujours du plaisir.
Merci mille fois pour cette soirée inoubliable et longue vie à Flöcon Völcan, entre douceur et explosion, pour ce beau projet entre musiciens talentueux.