
Avant-dernière date de ce beau festival toujours au Diapason à Roanne. Le public, malheureusement pas très nombreux malgré une programmation de qualité et ouvert à tous est installé, prêt pour accueillir un trio de choix.
Pablo Campos au piano tourne résolument le dos à ses musiciens ce qui n’empêchera aucunement la communication entre les instrumentistes. Non seulement Pablo joue avec aisance du piano tout en chantant, mais il a le cou très souple et se retourne souvent pour un coup d’œil qui suffit à donner la parole pour un solo, ou à planter son regard clair et malicieux dans celui des spectateurs. Quel crooner avec sa voix chaude au timbre bien particulier qui va nous faire vibrer tout au long du set, composé de standards revisités et arrangés par lui.
This could be the start of something big, de Steve Allen, sur un tempo rapide nous met tout de suite dans le bain accompagné d’une rythmique à toute épreuve. À la contrebasse, Viktor Nyberg nous vient de Stockholm et assure grave, même s’il est un peu statique et sérieux, cela ne nuit en rien à sa technique et son écoute pour attraper au vol les variations de Pablo.
Love you Madly, de Duke Ellington, avec des fluctuations de tempo parfaitement gérées par Viktor et Philippe Maniez à la batterie, des pêches bien ensemble. Les morceaux ont un peu tous le même déroulé avec le chant, puis l’improvisation de Pablo redoutablement efficace dans tous les styles avant le retour des paroles. C’est comme si nous avions deux pianistes, l’un qui accompagne le chanteur et l’autre qui brode autour des thèmes.
Une ballade qu’il affectionne particulièrement, de Dina Washington, Mad about the boys et c’est vrai que le thème est magnifique. Philippe jongle entre mailloches et balais pour un accompagnement tout en finesse et douceur.
Hommage à Nat King Cole des années trente avec I’m an errand boy for rythm, un peu farfelu pour l’époque. Le tempo est effréné, la walking bass s’emballe sur le manche de la contrebasse et la batterie assure. Des petites interventions de chacun en réponses ou petites impros.
Nous continuons avec deux thèmes de l’intemporelle comédie musicale « West Side Story », tout d’abord Maria suivie de Tonight [NdlR : Pablo reprenait déjà ces titres dans sa collaboration avec The Amazing Keystone Big Band pour la reprise de cette comédie musicale]. Beau solo du pianiste très bien soutenu par la ligne de basse et la batterie qui va se lancer enfin dans une improvisation reflétant sa maîtrise des baguettes, de gardien du temps, sa simplicité et la joie d’être là et de jouer avec son trio et pour nous.
Au tour de Billie Holiday avec une chanson citant la lune, très répandue comme thème d’inspiration, What a little Moonlight can do sur un rythme de nouveau très rapide, de belles envolées de Pablo sur le clavier et un chorus hyper rapide magistral.
Une pépite de la chanson française que Pablo débute a capella, La tendresse, vient titiller notre palpitant et nous avons le plaisir d’écouter une improvisation de Viktor.
Un style plus funk sur The Man I Love introduit par la batterie et la contrebasse qui amène un solo de piano puis de batterie pour le plus grand plaisir de Philippe et du public.
En rappel, un titre de Frank Loesser, If I where a bell sur lequel Pablo imite les cloches au piano pour amener le chant puis de chorusser pour la dernière fois de la soirée, suivi par Viktor accompagné toujours délicatement des mains de Philippe sur les peaux avant de lancer un 4/4 entre batterie et piano. Les trois musiciens vont finir dans un fortissimo qui laissera vibrer nos oreilles pendant l’entracte.