Pour les non-initiés Scott Hamilton n’est sans doute qu’une rime dans la chanson de Jonasz, La boite de jazz, mais une rime qui n’est que l’écho des plus grandes étoiles du jazz, citées avec lui. Il est sans doute le moins connu, mais fait partie de la cohorte des grands. Michael Chéret l’invita à participer à son second opus des « French songs », il reprend la même équipe que dans le premier « French songs », album de réinterprétations jazzistiques des grandes chansons françaises. Ils font une tournée pour roder leur interprétation, et terminer au Sunside, rue des lombards, où l’enregistrement en public se fera.
Il régnait dans cette salle un peu surannée, un parfum rétro très appuyé. Ambiance de fin d’après-midi de dimanche, où les mauvaises langues diraient qu’une grande partie de l’auditoire a abandonné son thé dansant habituel pour venir goûter les charmes d’un jazz classique.
Par cet après-midi pluvieux, ils démarrent, tiré des parapluies de Cherbourg, I will wait for you de Michel Legrand. Les deux compères entament un dialogue alternatif, égrainant les notes du thème avec un raffinement précieux. Après un France Dimanche titre obscur de Charles Trenet, retour au premier compositeur avec What are you doing the rest of your life. On sentit un auditoire, attentif, pensif et attendri par ces sonorités dignes de Dexter Gordon dans le film « Round Midnight ». Une certaine nostalgie se dégagea de cette plage qui mit enfin en communion le public et les artistes. Puis Michael Chéret sans son chapeau, fit diversion avec l’une de ses créations rendant hommage à son illustre invité qu’il connait depuis quinze ans, avec Song for Scott. Délicatesse de la pensée à l’unisson de la délicatesse des notes dévoilées avec une maitrise affirmée, une tendresse intacte. Les sidemen jusque-là cliniquement discrets, se mirent au diapason, à l’unisson des deux ténors. What now my love ou et Maintenant de Bécaud permit le retour du swing si cher à Scott. Michael affirme sa présence, son autorité dans cette plage, tandis que Scott vibre de jeunesse dans ses phrasés, compensant ses hésitations physiques, ils alternent et entrainent les sidemen dans leur joie placide sur un rythme enjoué rappelant les 100 000 volts du créateur du morceau. Place à la ballade standard qu’est It never was you avec des souvenirs à la Ben Webster, Scott put y faire état des ses envolées nostalgiques, ponctuées par le jeu affirmé de la batterie, chacun de prendre sa place et mettre en valeur leur jeu solide.
Une apparition avec Gainsbourg, qui nous mit L’eau à la bouche, belle interprétation hautement jazzy. Deux rappels avec Que reste-t-il de nos amours, où l’on sent vibrer la maturité de l’ensemble, puis un Hymne à l’amour avec des sons plaintifs résonnant amoureusement.
Une prestation sans doute classique pour les initiés, mais j’entendis plusieurs fois dans la bouche des participants, vers la sortie, « qu’est-ce que ça fait du bien ! » le meilleur des compliments.
- Scott Hamilton – sax ténor
- Michaël Chéret – sax ténor
- Olivier Truchot – piano
- Patrick Maradan – contrebasse
- Andrea Michelutti – batterie
