
La salle de la rue Delandine accueillait le soir du démarrage des Nuits sonores, la sortie de résidence du Velvet Revolution de Daniel Erdmann, un trio existant depuis 2016 augmenté de la chanteuse serbe toute vêtue d’un costume bleu (et sosie d’Annie Lennox en brune !), Jelena Kuljic. On avait pu voir le saxophoniste en novembre dernier dans le même lieu dans le groupe de Vincent Courtois.
Quant à Théo Ceccaldi on a pu le voir avec Kutu au mois d’avril durant le Festival Récif, et son frérot (qui joue également dans Kutu), était également au Périscope le 15 mai (on pourrait paraphraser la citation de Chirac sur les frères Duhamel par un « j’ai fait un cauchemar, j’ai rêvé qu’il y avait trois frères Ceccaldi…tellement la fratrie est omniprésente à Lyon depuis quelques semaines…). Mais trêve de plaisanterie, la découverte de ce nouveau répertoire agrémenté d’une chanteuse et comédienne très sobre, qui pratique aussi ce qu’on appelle lorsqu’on veut faire chic le « spoken word » nous a plutôt réjoui ; on a souvent de belles surprises sur des créations qui n’étaient pas spécialement attendues sur le papier. Déjà, l’origine de ce projet de vouloir se pencher sur le répertoire rock du Velvet Underground de Lou Reed est plutôt intéressante. En effet, l’homonymie du trio de Erdmann avec le célèbre groupe New-Yorkais a semé la confusion au point de se dire que le trio allait s’y frotter… Et Erdmann de ressortir ses vinyles du célèbre Velvet historique ! Ce qui est donc un quartet a filé une parfaite résidence depuis deux jours dans la salle de Musiques actuelles de Lyon qui accueille le plus de combos de jazz. Puis le rendu de cette création collective s’est déroulé pour commencer mezza-voce, avec une belle intro de Théo Ceccaldi et de la chanteuse ; le violoniste jouant avec ses seuls doigts avec son instrument à plat avec pour résultat un son de kora. Jelena a du métier et elle chante joliment et sobrement, ce qui change de bon nombre de chanteuses de jazz qui en font parfois trop, et surtout trop fort… Là, son chant est sensible et au service des textes qu’elle écrit elle-même : il s’agit d’une belle découverte qui s’adapte en sus parfaitement au répertoire « velvetien ». Pour le second titre, « un titre romantique comme Jelena va le souligner en intro », In love with love ; texte sur lequel Erdmann a mis une musique et sur lequel Ceccaldi va briller par un chorus très « lockwoodien ». Le troisième morceau est un titre de la chanteuse Nico arrangé par Jim Hart, le vibraphoniste est tout à fait adapté à ce groupe qui en transmet toute l’émotion. Il convient décidément d’encourager les jazzmen à reprendre et à adapter des chansons pop, du répertoire rock : c’est souvent une vraie réussite et cela leur permet de renouveler leurs inspirations et de toucher également de nouveaux cercles de spectateurs.
Le saxophoniste annonce l’enchainement de deux morceaux, un petit 0,3% suivi de No panic in Velvet land qui va délaisser la relecture de pop pour produire un passage plus free et énervé qui réussit moins au groupe. Mais le titre suivant est plus calme, the Garden avec un démarrage sax / voix et un beau chorus de vibraphone. Le morceau qui suit démarre d’ailleurs avec deux archets triturant le vibraphone et sans chant. Jelena revient ensuite avec le nom du titre Post of my mind qu’elle trouve prétentieux, mais qui ne l’est pas du tout et qui permet de se glisser doucement vers ce qui sera déjà le dernier morceau du set. Il s’agit de la célèbre chanson de 1967 du Velvet, All tomorrow’s parties, formidable cover avec un chorus endiablé et jubilatoire de Théo Ceccaldi dans une forme quasi olympique.
Le groupe est ovationné par le public qui ne boude pas son plaisir et qui en redemande. Et cela tombe bien car Daniel Erdmann demande au public s’il veut un rappel car poursuit-il, « cela tombe bien nous en avons un ! ». Et, d’informer le public que pas plus tard que la semaine prochaine, les quatre musiciens seront à Budapest pour enregistrer ce répertoire qu’ils viennent de créer à Lyon. Le bis est un des titres les plus connus du Velvet Underground, à savoir le hit Sunday morning magnifiquement joué par le trio et chanté avec beaucoup de classe, de justesse et de sensibilité par une Jelena Kudjic qui est une vocaliste unique que nous espérons revoir au hasard des programmations locales ou régionales.
Musiciens :
- Daniel Erdmann : saxophone ténor
- Théo Ceccaldi: violon
- Jim Hart : vibraphone
- Jelena Kuljic : voix