15/06/2025 – Roberto Fonseca & Vincent Segal aux Nuits de Fourvière

15/06/2025 – Roberto Fonseca & Vincent Segal aux Nuits de Fourvière

Rarement une soirée des Nuits était aussi alléchante avec cette création et cette première d’un duo de rêve ; à savoir Roberto Fonseca le pianiste du Buena Vista Social club et leader reconnu de latin jazz, et le violoncelliste français tout-terrain Vincent Segal qui nous régale de Bumcello à Sissoko & Segal, en passant par Les égarés entre autres formations éclectiquement réjouissantes. Cette rencontre, qui plus est dans le cadre plus intimiste du théâtre de l’Odéon, s’est révélée magique de bout en bout. Même la météo, capricieuse dans la journée, y avait mis du sien (à part un petit vent qui soufflait parfois délicatement dans les micros), pour faire en sorte d’éclore ce duo piano/ violoncelle sous les meilleurs auspices. Les deux musiciens se connaissent depuis longtemps mais c’est le premier concert entier ensemble avec la création d’un répertoire qui a comme ambition de partager de la belle musique, de belles mélodies selon les dires de Roberto Fonseca. La musique est un doux mélange de Ravel et musique française du début du 19ème siècle, de jazz, de musique du monde avec des touches de tango argentin et évidemment d’influences cubaines. Vincent Segal rappelle au début du set son attachement à Lyon, puisqu’il y a étudié dans les années 1980 et qu’il habitait dans le quartier Saint Paul, et qu’il montait à Fourvière avec ses copains, donc c’est un moment « très poétique » pour lui de se retrouver sur la scène des Nuits. Le projet est parti de « l’énergie de Roberto », et certaines parties sont déjà enregistrées par le duo. Mais, ce soir, c’est la première en scène et le public présent sent bien qu’il va être très chanceux.

 

Le premier morceau tout en douceur annonce la couleur, avant de passer le relais à Sol Quis puis à Troisième nuit qui nous fait entendre une magnifique intro au violoncelle dans laquelle on sent une influence argentine. Roberto Fonseca chante dans ce morceau et on sent le plaisir de jouer de ces deux-là. Le morceau se termine avec plusieurs fausses fins, et les deux solistes excellent dans cet exercice, comme le reste du concert pourra nous le prouver. Au cinquième morceau, Fonseca laisse Segal seul en scène pour une partie solo. Le violoncelliste n’est pas coutumier du fait et propose au public de revisiter ses parties d’instrument lorsqu’étudiant lyonnais il jouait seul dans sa chambre des parties débridées… Le rendu est superbe et propose un autre moment suspendu et aérien, avec le paysage lyonnais comme seul horizon indépassable. Puis, c’est au tour du pianiste cubain de s’essayer au solo et de ravir une assemblée sous le charme de la puissance et de la régularité de sa main gauche et de la fantaisie et de la dextérité de sa main droite : il sait tout faire Roberto, la douceur avant l’explosion, le renversement des rythmes et des sons, et pour lui raconter des histoires et faire voyager avec ses vingt-deux touches semble si aisé que cela en devient déconcertant. Mais c’est déjà le dernier morceau et la fin du concert annoncé humoristiquement par un Fonseca qui prodigue des efforts pour s’exprimer en français. Le dernier titre du set s’intitule Tu me manques traduit de l’espagnol par le public lui-même ! Celui-ci est en liesse et le rappel ne se fait pas attendre avec un no puedo ser feliz (je ne peux pas être heureux), mélancolique forcément, mais joyeux en même temps ; un moment rare et sensible à l’image de ce duo dont on va guetter la suite des aventures et peut-être la sortie d’un disque. Car le plus grand nombre de personnes doit pouvoir avoir accès à cette formidable musique née de la rencontre de deux univers si différents, mais si proches à la fois. Merci aux Nuits d’avoir programmé cette « première », merci aux deux artistes pour la générosité et la beauté de leurs compositions et la force de leur engagement sur scène. Un concert tout en émotion en pente douce vers l’été qui restera gravé comme un présent délicat et suave, une gourmandise sonore comme seuls les festivals semblent pouvoir en offrir au public.

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