30/06/2025 – Galliano puis Dabeull Live Band au Théâtre Antique

30/06/2025 – Galliano puis Dabeull Live Band au Théâtre Antique

Dabeull Live Band : la sûre boum

Si le retour de Galliano, parmi les pionniers de l’acid-jazz au début des nineties, nous a déçu tant par son manque d’intérêt que par son incongruité dans une soirée disco-funk dont le groupe est bien éloigné, les Parisiens de Dabeull (qui eux n’ont rien à envier aux grandes formations mythiques d’outre-Atlantique qui ont illuminé les années 77-83) sont sans doute l’une des meilleures machines à groove du moment, en glorifiant magistralement et à tout point de vue ce que le vintage en la matière a de plus exaltant. Pour retrouver avec bonheur et nostalgie l’insouciance de nos vingt ans, pas mieux !

 

On se souvient très bien de l’avènement, au début des années 90, d’un genre nouveau baptisé acid-jazz. Nous fûmes ainsi nombreux à l’époque à nous intéresser notamment aux productions du label londonien Talkin’ Loud lancé par le pape du dance-floor Gilles Peterson. Parmi elles, Galliano connut son heure de gloire jusqu’en 1996, avant de disparaître des radars. Avec «Halway Somewhere», un nouvel album paru l’an dernier, le band du chanteur Rob Gallagher a fait sa résurrection et a retrouvé la scène, comme c’était le cas lundi soir à Vienne. Sans avoir écouté par avance de quoi il retourne aujourd’hui après une si longue période d’absence, on espérait retrouver de bonnes «vibes» en ouverture de cette soirée placée sous bannière funky.

Las, le répertoire de Galliano nous aura laissés bien dubitatifs pour ne pas dire dans un ennui profond, sans quasiment jamais voir l’étincelle qui nous aurait captivé. Aussi improbable que le look et le jeu de scène plutôt ringards du leader, le set nous a égaré dans un maelstrom de styles sans ligne claire, avec, aux côtés du chanteur une vocaliste (Valérie Etienne) guère convaincante. Si Gallagher a gardé le sens du flow quand il rappe au son d’un hip-hop bien nineties soutenu par les claviers de Ski Oakenfull, le son est confus quand il se fait nettement plus rock (avec pourtant une belle guitare en solo de Nathanael Martin), même si certains titres très percussifs mettent en valeur David Gallagher aux congas, aux côtés du batteur Crispin Taylor.

Plus cool et teintée de soul par la ligne de basse d’Ernie McKone, la reprise de The Creator has a master Plan de Pharoah Sanders nous accrochera enfin l’oreille, bien qu’elle soit sans aucune comparaison avec la fabuleuse version que nous en a donné l’incroyable Billy Valentine en 2023.

Pour cette soirée placée sous le signe du funk, on peut dire qu’on n’en a pas encore vraiment entendu jusqu’ici, bien que Gallagher ne cesse d’en prononcer le mot, jusqu’à ce titre résolument funky-disco, sans doute le seul avant de revenir à un mélange de R&B et de hip-hop affirmé, puis un dernier morceau cette fois afro, tant par le chant que par les percussions. Si l’on n’a pas compris le titre du morceau joué en rappel, il ne nous semble pas inconnu par son côté plus tubesque, nettement plus sympa que le reste, mais pour le coup, c’était un peu tard…


Give me the Fonk, all Fonk !

 

Avec Dabeull par contre, pour lesquels nous étions avant tout venus en ne les connaissant jusqu’ici que par vidéos, aucun doute possible ! Le «onze têtes» de gondole emmené par David Saïd -alias Dabeull- est sans nul doute la plus belle machine live du moment pour tout kifeur de bon gros groove de disco-funk à l’ancienne, celui qui nous a tant fait suer de plaisir dès nos premières boums puis sur les dance-floors des clubs durant la mythique période 1977-1983. DJ, compositeur, remixeur et producteur (Cerrone, Sofiane Pamart…) Dabeull apporte en effet depuis quinze ans sa propre patte à la fameuse French Touch, glorifiant le matos d’époque 100% analogique et usant d’un second degré pour donner au show du live band, exubérant et purement hédonisme, un humour joyeusement décalé par l’autodérision qui colle totalement à l’époque ainsi ressuscitée.

Moustache et Ray Ban, futal patte d’eph’ et talonnettes, chemise col pelle à tarte largement ouverte sur un torse pileux à la Mercury, le sieur Dabeull cultive savamment ce look d’hier, non sans me rappeler mais dans un autre genre, celui d’Arthur Teboun [NdlR : Feu! Chatterton, qui d’ailleurs jouait malheureusement le même soir et gratuitement à Chambéry].

Maître de cérémonie de cette grand’messe du «fonkàdonf», le claviériste en mouvement constant avec sa guitare-synthé et son vocoder orchestre ce faramineux band croisant cosmic-funk spatio-temporel et electro-funky-disco. On peut opportunément parler ici de «synth-funk» (et sans aucun ordi) puisqu’avec David c’est au total pas moins de quatre claviéristes qui sont en action (avec Cyprien Steck, Phil Bouthemy et Julien Getreau), dont le cataclysmique synthé basse qui explique que ce groupe n’a étonnamment pas de guitare basse. Tout étant ici «vintage» jusqu’aux costumes seventies, le matos est fort conséquent comme cette impressionnante forêt d’éclairage qui ceint le band avec ses quelque neuf-cents lampes d’époque montées sur vingt plots et qui, par cette effroyable canicule, n’a pas du rafraîchir les musiciens !

Côté chant, l’armada est également bien montée avec trois pupitres qui chacun prend le lead à son tour, à commencer par le très smart Humphrey Milondro à la voix haute, sensuelle et cristalline, puis avec Angy Mayer qui s’approprie l’un des moments forts du show avec la reprise ultra-funny de Messages from the Stars de Rah Band (en réalité un seul multi-instrumentiste, Richard Anthony Hewson) hit qui depuis 1983 n’a pas pris une ride et me rappelle, dans cette version plus up-tempo de Dabeull, les Londoniens de Shakatak qui oeuvraient à cette même période. On s’y régale entre autres d’un superbe solo de sax en front-line joué par l’excellent Ferdinand Ferdi.

De la même façon que l’incontournable DJ lyonnais Harry Cover qui a ambiancé (avec un peu trop de volume sonore !) l’avant-concert puis l’entracte avec ses mix funky groove, la machine Dabeull, une fois lancée, enchaîne les titres sans aucun temps mort, à l’image d’un long medley non-stop où se fondent extraits de tubes en clins d’oeil et compos originales dans la même veine (comme entre autres Body Heat) issues du premier vrai LP du groupe, le génial «Analog Love» paru l’an dernier et enregistré sur la même console qui a servi pour le Thriller de Michaël Jackson s’il vous plaît !

On apprécie aussi la prestation d’Isadora De Booseré, choriste en robe à paillettes, et ce n’est pas quelques gouttes de pluie brièvement tombées qui vont gâcher la fête ni empêcher les gradins de danser au fil de ce groove perpétuel et libérateur, surtout quand il lorgne vers le P Funk infernal d’un George Clinton et son gang d’allumés. Disque d’or en 2019, le titre maison You & I fait à son tour des ravages rythmiques (avec la batterie de Clément Febvre et les percussions de Julien Favier) et soulève l’enthousiasme, avant une présentation des musiciens où l’on reconnaîtra encore un clin d’œil furtif, mais bien vu à une autre pépite qu’on a toujours adoré, le Oops upside your Head de Gap Band qui illumina l’année 1977. Enfin pour clore ce mémorable show en restant dans des références iconiques, c’est encore 1983 qui est à l’honneur avec une cover exaltante du Maniac de Michaël Sambello (plus conforme à l’original que la subtile reprise récente d’Alfio Origlio avec Fleur Worku) ou rayonne en solo la guitare de Yannick Werther. Dabeull Live Band? De bout en bout, que du bonheur !

 

 

 

 

 

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