
L’information d’une nouvelle prestation de Kamasi Washington à Jazz à vienne avait bien fait le buzz dès le mois de mars au moment de la conférence de presse. C’était même un des moments les plus attendus des jazz fans. Et pour quelqu’un qui n’a jamais pu le voir ni à A Vaulx jazz- qui est le festival qui l’a révélé dans la région- ni lors de sa précédente venue viennoise, l’excitation était à son comble de pouvoir enfin le découvrir en live. Le musicien aperçu dans son propre rôle lors du dernier épisode de la dernière saison du génial « Homeland » (lorsque l’héroïne Carrie,qui fait toujours son jogging avec du jazz dans les oreilles et notamment de la trompette entêtante assistait à un concert à Moscou du saxophoniste) est déjà une figure familière visuellement, car il dispose d’un look bien à lui aisément reconnaissable avec sa grande toge de couleur vive et ses énormes colliers, d’un style « spirituel ethnique baba ».
L’artiste charismatique impose son univers et ses partis pris stylistiques, et c’est peu dire qu’il était attendu par le public. D’autant plus que précédemment, le set de la bassiste Meshell Ndegeocello avait peiné à séduire largement les festivaliers. Le groupe, un octet, remplissait parfaitement la scène de cour à jardin, avec des praticables installés haut en fond de scène pour la rythmique et le DJ/ percussioniste.
Kamasi règle en majesté au milieu de sa troupe. On pourra noter parmi celle-ci un mélange de musiciens jeunes et plus âgés comme le saxophoniste/ flûtiste Rickey Washington (le père de Kamasi), ou la chanteuse Patrice Quinn ; comme deux preuves d’une belle inclusivité car l’employabilité des séniors peut également être un problématique pour les artistes en général et les musiciens en particulier.
Côté balance en revanche, c’est une catastrophe avec un son très sec, métallisé et une batterie réglée beaucoup trop forte qui va jusqu’à étouffer le saxophone du front man (la grosse caisse et les deux toms bas sonnent de manière assourdissants), c’est une vraie déception qui durera malheureusement pendant tout le concert et empêchera de rendre compte du génie de Kamasi et d’apprécier le set à sa juste valeur. Kamasi qui navigue dans son style Spirit et groove avec des rythmes hypnotiques est pourtant un sacré numéro et ses compositions sont toujours passionnantes. Il compose le matin tôt sur son clavier (il en joue aussi sur scène notamment pour les introductions qui démarrent le plus souvent avec cet instrument, parfois avec le renfort du claviériste en titre Cameron Graves.
Le répertoire est pour l’essentiel celui de son dernier disque, « Fearless movement » sorti en 2024, avec toujours des traces de Hip-hop. Il est d’ailleurs faut-il le rappeler le chouchou de bon nombre de rappeurs américains stylés comme dirait ma fille, dont un certain Kendrick Lamar, mais également des jazzmen qui mêlent avec bonheur Jazz et Hip-hop à l’image du formidable Robert Glasper. Dès le second morceau, le DJ introduit des séquences hip-hop au milieu du titre. Le set dépotera malgré ce son insupportable et les instruments mal réglés entre eux, avec une énergie folle et des musiciens ravis d’être là, qui communient entre eux.
Au troisième morceau, Kamasi fait rentrer sa femme (décidément, c’est un garçon très famille !) sur scène pour chanter, mais sans vraiment pouvoir convaincre faute à une voix un peu quelconque et peu adaptée au répertoire de son époux. Puis c’est un morceau démarré à quatre mains et deux claviers dont celui de Kamasi, avec un chorus du trompettiste Ryan Porter avec un son saturé pas très joli et dénué de tout intérêt. On a parfois l’impression que le saxophoniste innovant pourrait mieux s’entourer, au moins sur scène ; cela donnerait plus de force à sa musique, de bénéficier de musiciens plus talentueux, mais c’est peut-être un choix…
Le set a été très court, sans rappel, avec juste un Kamasi demandant si le public voulait un morceau de plus, mais sans avoir quitté la scène et être revenu comme c’est l’usage habituellement. Une heure dix minutes après avoir investi la scène du Théâtre Antique, Mister Washington et son combo devaient laisser les spectateurs (qui d’ailleurs n’étaient pas très nombreux pour cette soirée labellisée « jazz alternatif ») un peu frustrés de ne pas avoir une portion de musique supplémentaire, un supplément d’âme. Faute à la course à la navette de retour, mais surtout, faute à « la malédiction du triple plateau » (voir ma chronique du 02 juillet 2025 à Jazz à Vienne ), Et pourtant la météo une fois n’était pas coutume était plus clémente : moins étouffante que les jours derniers et sans aucune trace de pluviosité. On se promettait en sortant de l’enceinte romaine avec son ciel céleste de revoir une des figures les plus intéressantes du jazz actuel lors d’une prochaine soirée d’été ou non, avec cette fois une régie son correcte et équilibrée. Ce n’est que partie remise et les génies savent se faire attendre et désirer… Rien ne presse pour revoir un Kamasi qui devrait encore nous surprendre avec de nouvelles orientations et inspirations musicales de son cru. So Long Kamesi !
Les musiciens :
Kamasi Washington: saxophone ténor et claviers
Rickey Washington : saxophone soprano et flûte
Cameron Graves claviers
Ryan Porter : trompette
Miles Mosley : contrebasse
Patrice Quinn : voix
DJ Battlecat : tourne disque/ percussions
Tony Austin : batterie :