
Fils-Aimé et enfant chéri
Invitée pour la première fois sur la grande scène du festival en ouverture de Jamie Cullum, enfant chéri de Jazz à Vienne, la chanteuse québécoise d’origine haïtienne Dominique Fils-Aimé entourée d’un subtil et efficace quartet a envoûté l’auditoire par son charisme solaire et la profondeur de son répertoire dévolu aux éléments naturels, entre planerie quasi psychédélique et énergie positive. La révélation d’une artiste intense.
En 2019, nous étions parmi ceux qui eurent un gros coup de cœur pour l’album «Stay Tuned» qui nous révéla la talentueuse personnalité de l’auteure-compositrice et interprète québécoise d’origine haïtienne Dominique Fils-Aimé. Le second volet d’une trilogie dévolue à ses influences afro-américaines entamée par «Nameless», et suivi en 2021 par «Three Little Words» qui nous avait un peu dérouté, comme parfois l’a fait une Meshell Ndégéocello dans ses choix plus ou moins radicaux. Il n’empêche que la jeune quadra fait partie de celles qu’on avait très envie de voir en live, et si sa première tournée française ne nous en avait pas donné l’opportunité, cette date à Jazz à Vienne était le lieu idéal pour enfin l’apprécier.
Visiblement inspirée en termes de création, la chanteuse a entamé avec «Our roots run deep» il y a deux ans une nouvelle trilogie toujours pour remonter aux racines, mais ici au premier sens du terme, puisque celle qui croit en une communication invisible avec les arbres et la nature en général (plantes, eau, feu..), parle ici de sa musique comme «un engrais pour en alimenter la connexion».
Tout un programme qu’elle nous a décliné au couchant, restant durant tout le set assise en tailleur sur un plot à valeur de trône, hiératique à la manière d’une princesse nubienne dans sa large robe blanche, «embijoutée» et joliment maquillée, cernée par un subtile et très efficace quartet de musiciens aux lunettes noires. Dès l’intro, planante et dévoilant un superbe son, l’artiste solaire et gracieuse captive l’auditoire bigarré des quelque sept mille cinq cents spectateurs qui ont blindé le théâtre antique, comme à chaque venue de Jamie Cullum* évidemment. Une présence presque chamanique qui nous ensorcelle, d’un titre bluesy avec la fine guitare d’Etienne Miousse, les nappes synthétiques de David Osei-Afrifa qui parfois use aussi d’un vocoder, et la basse en suspension de Dany Trudeau, à un autre plus rythmé qui s’emballe sous le drumming résolument rock de l’excellent batteur au nom prédestiné,Harvey Bien-Aimée, et qui donne à la dame l’occasion de vocaliser en liberté, offrant l’étendue de ses nombreuses nuances. Après une chanson d’amour composée en français, d’autres styles sont abordés avec la même élégance séduisante, qu’ils versent dans une afro-pop psyché ou pour une ballade soul-gospel (cry me a river, cry me a sea, cry me an ocean…) drivée par l’orgue.
Le set hors du temps avance vite, et les trois derniers titres sont résolument positifs avec d’abord le joyeux To walk away, puis un autre très percussif où le public en profite pour lui souhaiter ce jour un bon anniversaire (elle est née le 10 juillet 1984), avant de conclure sur un long poème évoquant le feu, final où les musiciens affirment encore clairement leur rock attitude, avec un gros son bardé d’effets entre écho et delay bien boostés.
* Bien entendu, nous avions prévu de vous narrer le show -une fois de plus mirifique- du génial chanteur et pianiste anglais dont c’était la cinquième venue à Jazz à Vienne, mais, comme c’est désormais trop souvent le cas ici comme ailleurs, d’absurdes -pour ne pas dire honteuses et iniques [NdlR : puisque seuls les photographes « officiels » de Jazz à Vienne ont eu le droit de le faire]- consignes et prérogatives en matière de photos ne nous ont pas permis d’en publier. Fidèles à nos principes, nous appliquons donc notre devise, bien que nous en soyons sincèrement désolés : pas de photos, pas de chronique