
NUBU, acronyme de Nahash Urban Brass Unit (nahash = serpent en hébreu), du nom de ce magnifique instrument baroque que pratique Elisabeth Coxall quand elle ne chante pas. Thibaut Du Cheyron au trombone et Victor Auffray au flugabone (qui est au trombone ce que le mellophone est au cor) complètent la section « soufflants et cordes vocales ». Quant à la section rythmique, elle est constituée par Marion Ruault à la contrebasse et Guillaume Lys aux percussions, et quelles percussions ! Peaux naturelles et bois forgent un son chaud et rond accentué par le jeu aux mailloches et fagots, rehaussé par un assortiment de cymbales et autre charley et par un « tambour de bois » dont le son rappelle parfois le balafon.
Le set commence par un duo entre la voix d’Elisabeth Coxall et la contrebasse de Marion Ruault ; portés par la voix aérienne, nous nous prenons à vagabonder dans la lande irlandaise tandis que la contrebasse vigoureuse, presque nerveuse nous ramène à une toute autre réalité dramatique et brutale. C’est la première partie de Sisters, histoire tragique et fantastique en trois actes comme savent si bien les raconter les anglo-saxons.
Jean Hall, également issue du folklore médiéval d’Outre-Manche et funeste destin transposé au féminin, débute par un dialogue voix/contrebasse plus apaisé, auquel viennent rapidement se mêler trombone, flugabone et percussions qui parachèvent l’ambiance sonore. La mélopée se tourne vite à des harmonies plus complexes et des rythmes enchevêtrés toujours surprenants, savant mélange entre tensions et résolutions qui s’entremêlent.
Avec Foissiat in the dark, Thibault du Cheyron évoque l’Ain, où il a grandi, dans la continuité des inspirations déprimantes, comme il le dit avec humour. Sur un ostinato de contrebasse en pizzicato puis à l’archet, la mélodie prend forme sur fond polyrythmique nourri, puis les harmonies se distendent, les rôles s’inversent, la surprise est de tous les instants. Pendant que les deux « bones » soutiennent une conversation passionnée, la contrebasse assène de bonnes grosses notes amples et profondes et Elisabeth Coxall prend le rôle de la basse en égrenant quelques arpèges bien sentis dans les aigus. La tension monte inexorablement, jusqu’à la résolution libératrice …… sur la dernière note !
La voix grave du serpent est à l’honneur avec Snake Friendly, avec la contrebasse en contrechant, entrecoupée de scat/scansion à vous retourner la cervelle.
Boma (« abri collectif en swahili ») est composé par Marion Ruault. D’abord en mode mineur, le morceau bascule en majeur et ne peut pas renier ses inspirations africaines.
Pierrot Magique fait la part belle aux soufflants qui se renvoient la balle des solos dans un fondu-enchaîné qui demande une écoute attentive pour savoir qui fait quoi. Le morceau est agrémenté d’un superbe chorus de contrebasse soutenu par les nappes harmoniques et inventives des autres instruments.
Potiron raconte les premiers temps qui suivent la fin d’une histoire d’amour. La déprime au trombone se pose sur une basse continue agrémentée d’harmoniques qui en ajoutent au trouble ambiant, puis Marion Ruault prend un chorus particulièrement mélodieux, suivi d’un solo de Victor Auffray tout en sobriété et en décalages subtils. Le trombone reprend la parole avec plus d’entrain, la vie reprend le dessus, avec toutefois un fond mélancolique entretenu en sourdine par le flugabone et le serpent.
Mo ! Ouvre grand la porte aux délires, façon Bohemian Rhapsody, sur une trame de comptine délicate.
En rappel, NUBU nous honore d’un surprenant Phasez, Dansez qui démarre par une homorythmie générale ouvrant la voie à Victor Auffray pour une prouesse de vocalises yodlantes et ébouriffantes ; le trombone délivre des intervalles improbables sur une rythmique impétueuse, puis la contrebasse reprend la mélodie pour un bouquet final net et sans bavure.
Entre NUBU et le public le courant est vraiment bien passé, en témoignent les commentaires enthousiastes d’après-concert. Une formation de musiciens de haut vol qui affirme haut et fort son identité. On en redemande.