02/08/2025 – Justina Lee Brown pour A la folie… à Brou

02/08/2025 – Justina Lee Brown pour A la folie… à Brou

Golden Brown

Bardée des Prix les plus éloquents en déclenchant des étincelles partout où elle se produit, la chanteuse nigériane exilée en Suisse Justina Lee Brown offre plusieurs dates de sa tournée internationale à notre région où le public de quelques festivals découvre avec bonheur sa personnalité radieuse et volcanique. Une voix en or pour du blue-soul nimbé d’afro, servie avec la fougue du rock par un impeccable quintet sans frontières, il n’en fallait pas plus pour irradier de bonnes ondes le cloître du majestueux Monastère Royal de Brou. La magie d’un son d’ailleurs, à la folie…

Si elle a raflé successivement toutes ces dernières années les Prix les plus prestigieux, de l’European Blue Challenge au Best African Voice, du Women Award de Londres au Swiss Blues Award en 2019, le public français qu’elle visite en ce moment comprend vite pourquoi en découvrant aujourd’hui la radieuse et volcanique Justina Lee Brown.

Figure de la scène blue-soul africaine, la chanteuse et compositrice d’origine nigériane a vécu une jeunesse très éprouvante, avant de trouver dans la musique la force de s’échapper de son ghetto de Lagos. En combinant l’héritage traditionnel de ses ancêtres aux influences modernes de la musique, et en naviguant dans toutes les eaux, du blues au funk en passant par le rock, l’artiste afro inspirée de références telles qu’Etta James, Myriam Makeba et Anita Baker a, à son tour, su imposer la puissance saisissante de sa voix pour devenir en vingt ans de carrière l’une des grandes dames flamboyantes de la black-music.

Forte de six albums, la chanteuse désormais installée à Zurich est depuis l’an dernier en tournée avec son dernier opus «Lost Child» et, partout où elle se produit, la traînée de poudre laissée par la diva et son redoutable quintet a généré de stupéfiantes étincelles sur l’auditoire, comme encore il y a peu pour Parfum de Jazz qu’elle inaugurait à Pierrelatte (voir ici https://www.jazz-rhone-alpes.com/250723-justina-lee-brown-pierrelatte-parfum-de-jazz/), où elle fêtait ses quarante-et-un ans.

 

Nos festivals régionaux honorés

Notre région est gâtée *, puisque c’est dans le cadre magique du cloître du Monastère Royal de Brou qu’on l’a retrouvée samedi, parmi la superbe affiche du festival A la Folie…, toujours ciselée avec pertinence et bon goût comme on le constate depuis plusieurs années déjà.

Ici comme partout, il ne faudra que quelques petites minutes à la queen Justina -quelque par entre «juste Tina» et Aretha côté engagement- pour happer le nombreux public assis dès Aramide, où elle nous rappelle ici par sa patte afro et son timbre radieux une Angélique Kidjo. Et quel beau son, à la fois propre et pêchu, mettant en évidence la voix comme la clarté de la guitare du Suisse Carlo Menet qui va rayonner tout le long du set. Une guitare toujours fine et étincelante jouée dans un esprit très rock, souvent trempée dans le blues sur fond d’orgue (avec aux claviers Cesar Correa), comme sur Crossfire qui suit. «It’s incredible, so amazing place !» s’extasie la chanteuse face à la beauté des lieux, embarquant un public debout pour l’accompagner sur le refrain de On my Way. La fête en communion est lancée, le tourbillon rythmique vous saisit avec le très percussif Sweet Home, mettant en valeur le travail minutieux et constant du très efficace zurichois David Stanfacher aux congas et multiples petites percus, d’abord en solo puis dans un duo avec le batteur angolais Jordy Mayasi (une recrue toute récente),digne d’une batucada. L’intensité s’amplifie crescendo jusqu’à la frénésie avec une chanteuse qui rivalise vocalement avec les frappeurs, d’une déconcertante facilité tout en ayant une impressionnante réserve sous le pied, qu’elle lâche en cris qui déchirent le ciel bressan. C’est clair que ça envoie du lourd !

Déchirant, mais dans un autre sens du terme, le titre éponyme Lost Child qui suit est un slow bluesy qui a la force émotive d’une complainte acérée grâce aux riffs tranchants de la guitare. Puis seule et dépouillée, la voix a capella déploie dans de multiples modulations toute la palette vocale de la dame, conjuguant magistralement nuances et puissance saisissante.

Ephémère parenthèse avant que l’hyper pêchu Tears fasse relever la foule, prise dans la spirale d’une énergie de dingue qui semble inarrêtable avec le plus stonien Black & White, porté par le slap du bassiste colombien Lou Cruz, ouvrant un long chorus du chic Correa au piano.

Contrairement à d’autres concerts, sans doute plus contrainte par un timing serré (à 22h démarre sur la façade du monument les traditionnelles projections son et lumières), Justina Lee Brown s’étend moins sur son douloureux parcours personnel, même si elle commente brièvement et en anglais l’origine de certains titres. Comme d’autres avant elles qui nous ont marqué (Kaz Hawkins, Sarah Mc Coy…) cette figure de la résilience et de la renaissance par la musique nous épate et nous émeut, comme encore sur Carry me, l’une de ses chansons favorites, une ballade tout en douceur bluesy où transpire une source gospel.

Seulement dix titres au menu s’étonnait-on en consultant la set-list avant le concert. Et pourtant ils auront suffit à combler cette heure et demie richement remplie, avec encore le très afro Bizi Bizi, nouveau titre où, s’il y avait des cuivres, on serait pleinement dans l’afrobeat, puis en rappel le tout aussi captivant 10K Feelings qui correspond tout à fait à ce que l’on a reçu ce soir.

 

* Après ces deux dates rhône-alpines, Justina s’est envolée cette semaine pour le Marathon musical de New-York, avant de revenir poursuivre sa tournée entre Allemagne et France. Nous aurons le bonheur de la revoir (et pour beaucoup de la découvrir enfin) lors de la Nuit du Blues du Rhino le 18 octobre prochain, où elle partagera l’affiche avec le non moins immense Louisianais Robert Finley. Autant dire que ça promet…

 

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