16/08/2025 – David Bressat French Connection pour A la folie… à Brou

16/08/2025 – David Bressat French Connection pour A la folie… à Brou

Bourg en Bressat

Le pianiste lyonnais était en version d’apparat -Monastère Royal oblige- en agrémentant ce soir son trio de base de cordes et de chant, pour offrir au public de Bourg, où il a très longtemps enseigné, le troisième volet de sa vaste aventure French Connection. Un répertoire de compos françaises (chanson, classique) revisitées à la sauce du jazz contemporain où, bien connues ou moins, les arrangements subtiles et audacieux de ces musiciens inventifs les inscrivent désormais au rayon des standards, au même titre que les incontournables américains.

 

Décidément, nous sommes très bressans en ce moment. Entre les Jeudis du Kiosque où Pat Kalla et son Super Mojo ont généreusement mis le feu jeudi dernier, et le festival A la Folie où nous avons été conquis la semaine précédente par Justina Lee Brown, c’est encore à Bourg que ça se passe avec ce retour à Brou où nous retrouvions le pianiste lyonnais David Bressat heureux, ému et fier de se produire sous son nom (on l’a vu il y a deux ans au kiosque avec Uptown Lovers) dans cette ville où il fut enseignant au Conservatoire durant quinze ans.

S’il porte actuellement son nouveau projet « Constellation » avec cette fois un quintet cuivré, le concert de ce soir revient à son précédent French Connection, une aventure menée depuis 2008 et déclinée avec un troisième album toujours dévolu à des pièces de compositeurs français (chanson, jazz, classique). Des «french songs» adaptées au jazz contemporain par d’audacieux mais subtiles arrangements qui les portent à la hauteur des «standards» en prouvant qu’ils ne sont pas qu’américains.

Si l’exercice relève et révèle tout l’art du trio, avec autour du piano leader la fidèle rythmique servie par Thomas Belin à la contrebasse et Charles Clayette à la batterie, c’est la version extensible qui nous est royalement proposée ce soir (Monastère Royal oblige…), les trois garçons passant en mode sextet avec l’apport de trois invitées de charme, la violoncelliste Maud Fournier (qui nous ravi également dans Uptown Lovers) et la pétillante violoniste Caroline Bugala (pas revue depuis le Rhino 2018, la lyonnaise est désormais limougeaude et prépare un nouvel album avec son quartet), mais aussi la jeune chanteuse Luna Garcia-Odin (fille du célèbre batteur Pipon Garcia, et passée notamment par la maîtrise de l’Opéra de Lyon) que je découvre ici pour la première fois.

Liberté d’esprit et sensitivité

Mais, avant de dévoiler cette formule développée, c’est le trio de base qui entame le set pour quatre morceaux. Sans voix, mais avec un tempo des rythmiciens qui s’emballent au diapason de la dextérité pianistique, il faut d’abord passer par toute la créativité de ces imaginatifs instrumentistes avant de reconnaître au détour d’un refrain le Padam Padam de Piaf. Dans la même liberté d’esprit et avec des notes de piano très sensitives, ourlée d’une contrebasse charnue par sa rondeur boisée, c’est toujours en mode instrumental qu’est proposée La Bohême d’Aznavour et que fait chanter le clavier. Et si l’on n’avait pas d’avance récupéré la set-list, ce répertoire tiendrait parfois du blind-test, comme pour C’est si bon, la célèbre compo d’Henri Betti si souvent interprétée, ici bien loin de sa nonchalance initiale (Montand,Sablon et tant d’autres) pour une version tonique et nerveuse où Charles fait résonner les toms de sa Gretsch dans un solo résolument jazzy.

Après la fougue, tombe une Douce Pluie avec un piano tout en délicatesse mélancolique et déployant des notes comme suspendues, rythmé par quelques balais et le tricot sonnant de la contrebasse. C’est élégant, plutôt romantique avec un certain lyrisme dans le final, mais on se demandera bien de qui est cette très jolie pièce, jusqu’à ce que David précise qu’il s’agit là d’une de ses très vieille compo. On dit bravo !

Il est temps d’inviter les filles à rentrer dans la ronde, avec d’abord Caroline pour donner à La Belle Vie de Sacha Distel un swing où, dès ses toutes premières notes, on retrouve ce fameux son Grappelli-Lockwood qui l’a tant nourrie. Avec cette façon particulière de faire chanter ses cordes, avant que le piano ne reprenne la main… Elle court, elle court la belle vie, elle pétille avec des doigts qui caracolent sur le piano, offrant de multiples dialogues entre chacun des instruments.

Seule pièce classique inscrite ce soir, voilà le merveilleux Après un Rêve de Gabriel Fauré, avec le violoncelle de Maud et Luna au chant, mais auquel batterie et contrebasse vont apposer une patte quasi pop-rock.

Un patrimoine redécouvert

Comme David, Luna aime beaucoup l’univers de Michel Legrand dont voici la Chanson de Delphine à l’Ancien, puis plus tard La Chanson de Maxence (qu’avait par ailleurs repris Bill Evans) sur laquelle le son croisé des cordes va s’élever avec grâce dans le cloître. Entre les deux, on aura été touché par l’émouvant Voir un ami pleurer de Brel, sans doute plus connu que Le Petit Jardin, charmante chanson de Jacques Dutronc que le sextet nous fait ainsi redécouvrir avec éclat, les cordes mêlées donnant une geste symphonique à cet arrangement qui nous réserve un final soutenu et plutôt groovy, avec pour Luna une envolée vocale presque magmaïenne. Sans doute méconnue aussi, le sextet nous joue pour la première fois Gueule de Nuit, une chanson de Barbara qui par son swing un peu canaille nous ramène aux cabarets des années 30.

De quoi exciter sans cesse la curiosité d’un public nombreux et à l’écoute très attentive, qui par ses spontanés et fervents applaudissements n’a pas caché son plaisir. Et visiblement avec beaucoup d’empathie pour Luna qui apportera encore toute la fraîcheur de sa jeunesse dans ses vocalises sur Un Jour mon prince viendra en premier rappel, avant de scatter au final sur le Je m’suis fait tout p’tit de Brassens au swing léger et joyeux, et où le violon solo de Caroline à tout le son du jazz manouche.

Bressat en Bresse, encore une bien belle soirée !

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