12/09/2025 – Pink Martini à La Belle Electrique

12/09/2025 – Pink Martini à La Belle Electrique

En arrivant ce soir-là à la Belle Electrique, je suis frappée par le fait que, dans le public, presque tous les âges sont représentés : des ados, de jeunes adultes, des cinquantenaires, des seniors. C’est un concert pour tous, ce sont des retrouvailles autour d’une musique qui parle à tout le monde, que les parents ont transmise à leurs enfants : une musique qui a forgé une mémoire auditive commune (que ceux qui n’ont pas reçu le CD « Sympathique » à Noël 1997 lèvent le doigt !). Eh oui ! On ne s’en rend pas compte, mais Pink Martini est un groupe qui s’est formé il y a plus de 30 ans (en 1994, précisément).

Le tour du monde musical du groupe de Portland commence fort, après un préambule chaleureux (« Bonsoir Grenoble, we are so happy ! »), avec un Amado mío  entonné à pleine voix par Storm Large. Tout de suite, Storm donne le ton de la soirée : elle met le feu au public. Elle bouge, elle ondule sur scène, vêtue d’une splendide robe de soirée rouge échancrée, laissant voir son dos tatoué ; évasée en bas pour qu’elle puisse se mouvoir à son aise. Tous les regards convergent vers elle, au centre de la scène, entourée de son écrin de musiciens (au total, ils sont onze).

 

Elle est bien admirablement secondée par ses acolytes (dont Thomas Lauderdale au piano, Timothy Nishimoto au chant et aux percussions……). Storm enflamme la salle, elle touche les mains qui se tendent vers elle, elle se penche vers le public. Sur le méga-tube Sympathique, elle fait monter des spectateurs pour chanter avec elle puis elle donne des indications de « metteuse » en scène (« very slow, very dramatic ») pour que la foule termine le chant comme il le faut (« Et puis,je fume »).

Les Grenoblois présents chantent, dansent, applaudissent… Pink Martini offre à ceux qui sont venus l’écouter ses chansons les plus connues :  Sympathique (bien sûr), le déjà nommé Amado mío, un ¿ Dónde estás ? (Yolanda) virevoltant, agrémenté d’un superbe solo de trompette, Una notta a Napoli, Hang on little tomato ; mais pas seulement…. On découvre également (pour moi, au moins) des chansons en farsi (Kaj Kola Kan), en japonais (un Zundoko trépidant interprété par Timothy Nishimoto et tiré d’une comédie très connue au Japon), en turc (Askim Bahardi ), en français (Mon amour était le printemps). Le récital est un tour du monde des influences musicales, des langues et chaque titre interprété est une escale à part entière.

Le rythme ne faiblit pas sauf, sauf…et là, je mets des points de suspension car évidemment, il va s’agir d’une exception, d’une parenthèse : celle ouverte par la chanteuse Edna Vázquez (chanteuse invitée par le groupe sur cette tournée). Edna entame un Besame mucho lent et intense. Là où Storm Large était extravertie et tournée vers les spectateurs, Edna se replie, tout en intériorité et en émotion retenue, mais elle ne se coupe pas du public, bien au contraire. Elle l’émeut au plus haut point, avec son chant, avec son jeu de guitare aux sonorités arabo-andalouses. Elle enchaîne avec un titre nommé Sola soy (« j’ai écrit la prochaine chanson : seule, seule je suis »). Elle déclare vouloir casser le cercle des pensées négatives. Elle commence seule, lentement, et puis, peu à peu, l’orchestre la rejoint, vient cueillir sa solitude et la briser. Le rythme s’accélère pour ensuite à nouveau, se ralentir à la fin. Edna donne tout dans son chant. L’émotion est palpable. Storm Large la rejoint sur scène et elles entonnent, toutes les deux, un chant roumain intitulé Pana cand (« jusqu’à ce que je ne t’aime plus ») qui parle du fait de tomber amoureux et d’en être terrifié. La chanson parle à tout le monde (même si les paroles sont obscures). Les deux chanteuses sur scène, ont une présence incroyable. Elles sont différentes mais, au-delà de leur origine, de leur physique, elles sont pareilles. Chacune chante l’amour avec sa sensibilité, mais en vérité, elles sont femmes toutes les deux. Et c’est une très belle image de les voir chanter ensemble, côte à côte….

Il serait encore long d’énumérer tous les titres car ils ont été très nombreux. Pink Martini a, au total, joué près de deux heures. Le public a pu chanter avec eux, danser la « chenille » avec Storm Large descendue dans la fosse. Leur show (« un peu comme à Broadway » selon les dires d’un spectateur éclairé) était généreux, habité et très bien construit. Un petit bémol toutefois : pourquoi les musiciens, en l’occurrence Thomas Lauderdale, le pianiste, a-t-il passé de longues minutes (sur un morceau instru) à filmer ses acolytes ? N’aurait-il pas mieux fallu qu’il jouât du piano avec eux, au lieu de se livrer à une promotion en plein spectacle ? Cela m’a semblé saugrenu, mais ne m’a pas enlevé mon intense plaisir de les voir et de les écouter. Ils se sont montrés, tous, extrêmement généreux. A la fin du concert, nous avons encore eu droit à quelques pépites : un Bella Ciao mené tambour battant par Storm et ses musiciens (repris en chœur par le public ravi), une version réussie du tube pop de Jeanette (Porque te vas) ainsi qu’un Brazil rapide et rythmé qui viendra clore le récital. Pour ma part, je retiendrai surtout le sensible et vibrant Mujer Maíz (Ixim Ixoq) d’Edna Vázquez qui a adapté un chant quiché de Romeo Sosa. Ce titre en langue maya a été écrit pour Rigoberta Menchú, cette femme guatémaltèque, inlassable militante pour les droits humains qui obtint le prix Nobel de la Paix en 1992). En l’interprétant, Edna ressemble incroyablement à Rigoberta, mais aussi à Frida Kahlo, ces femmes qui ont pleinement revendiqué leurs origines indiennes, leur tradition et leur culture. Cette image sera pour moi la plus belle et la plus émouvante de tout le spectacle.

 

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