
La quinzième édition du festival Jazz sur les places a enfin lieu ! Et l’on n’est pas peu fièr d’avoir contribué à la défense de ce festival de jazz entièrement gratuit. Votre serviteur a tenu à chroniquer les concerts de soutien au festival, celui du Sotavento Big Band (voir ici]) et celui du Tango Jazz Quartet (voir ici). C’est avec un grand plaisir de se retrouver place Benoît Crépu dans le quartier Saint-Georges du cinquième arrondissement de Lyon. Les tentes avec les chaises ainsi que la buvette sont installées et les musiciens sont là. Il faut de nouveau saluer le soutien des partenaires qui se prolonge comme la combativité de Philippe Dechèvre et de tous les bénévoles du festival pour qu’il ait de nouveau lieu cette année. Et l’été indien est au rendez-vous !
On commence cette dernière journée avec Thierry Leroy en piano solo. Plus qu’un concert, le pianiste autodidacte comme il aime à se définir, nous propose une conférence musicale. Il va nous conter l’histoire et l’évolution de la note bleue, tout en l’illustrant de morceaux au piano. Il précise que ce sont principalement des standards de pianistes autodidactes comme lui.
Il démarre de façon très pédagogique, et ce sera le fil rouge de son concert, par la démonstration de l’improvisation. Il choisi un morceau connu de tous, Au clair de la lune, sur lequel il interprète des variations et des digressions qui transforment le titre tout en conservant l’air. Thierry Leroy poursuit ensuite avec des explications sur la création du Blues. Il exécute des gammes occidentales et ensuite des gammes africaines pour bien nous faire prendre connaissance de la différence. Lorsque l’on a bien perçu l’inflexion sur la note bleue, il interprète un blues. Le pianiste continue méthodiquement en nous démontrant la syncope sur un temps faible puis sur un temps fort. Il esquisse le début d’une mazurka et avec la syncope sur le temps fort cela donne un « ragtime ». Il complète cette démonstration avec l’interprétation de Maple Leaf Rag de Scott Joplin. Le pianiste en vient à la définition du boogie woogie, qui en toute logique chronologique est un blues syncopé. Ce style est plus dansant, car il vient de la danse « cake walk ». Nous arrivons dans les années 20’, lorsque le piano rythmique devient harmonique ce qui donne le « stride » qui est un style issu du mélange du blues et du ragtime. On écoute Tea for Two à la façon de Fats Waller. Tout est lié et les styles découlent les uns des autres chronologiquement.
Thierry Leroy illustre rapidement les années 30’ sans s’attarder, car il s’agit de la période des grands orchestres de Count Basie, Duke Ellington et Cab Calloway où les accords sont plus riches et la musique moins improvisée. Il choisit Caravan pour évoquer cette époque. Il passe aux années 30 ‘ et 40’ avec Erroll Garner qui s’est inspiré de tout ce qui précède. Le pianiste choisit la chanson de Charles Trenet Que reste-t-il de nos amours ? qu’il interprète à la manière d’Erroll Garner. Il n’oublie pas de jouer Misty pour que nous écoutions un morceau lent du maître du jazz. Nous arrivons aux années 50’ qu’il qualifie de métissage des cultures. Il évoque le travail de Paul Desmond mais choisi Blue Rondo a la Turk de Dave Brubeck pour illustrer la complexité musicale de cette époque. Ce titre comprend le blues, le rondo et l’Orient. Il parle du be-bop et du hard-bop de cette période mais ne s’attarde pas sur ces styles. Thierry Leroy poursuit avec la musique complexe et le métissage que Richard Galliano joue à l’accordéon en interprétant au piano Libertango.
Le pianiste nous propose à présent de jouer à deviner des morceaux qu’il improvise. Pour que cela ne soit pas trop facile, il nous perd volontairement au début de son interprétation. Nous découvrons et reconnaissons successivement, Mon amant de Saint-Jean enregistrée en 1942 par Lucienne Delyle, La bohème composée par Charles Aznavour et écrite par Jacques Plante et La Javanaise de Serge Gainsbourg. Il propose que le public choisisse des chansons. Un spectateur souhaite entendre Syracuse écrite par Bernard Dimey et composé par Henri Salvador en 1962. Le pianiste demande au spectateur de la chanter afin qu’il la transpose au piano. Après quelques essais fructueux, le musicien et le chanteur interprètent avec émotion la chanson en duo. Le pianiste déclare que la musique, ce sont des moments de partage comme celui-là, durant lesquels on vibre ensemble. Philippe Dechèvre qui aime que les musiciens fassent des bœufs, doit être comme nous, ravi de cette rencontre improvisée.
Le concert–conférence se termine avec une succession d’airs qui vont de la bossa au musette jazzy en passant par le tango. Très didactique et ludique, nous avons trouvé avec cet exposé musical de nombreuses clés de compréhension sur l’évolution de la note bleue.