
Le Rhinojazz(s) a une fois de plus investi l’église de Villars pour nous émerveiller avec le projet en sextet de Cynthia Abraham.
Dans la pénombre arrivent par les allées centrale et latérales les six magnifiques jeunes musiciennes qui vont nous enchanter pendant deux heures : Célia Kaméni (en ensemble blanc), Célia Marissal (en ensemble clair), Clémence Nguon (en ensemble blanc), Cynthia Abraham (en pantalon blanc et dos-nu jaune), Léa Maria Fries (en robe mordorée) et Isabel Sörling (en ensemble blanc).
Pour mieux les connaître, Célia Marissal, bordelaise, Clémence Nguon, aux ancêtres vietnamiens, Léa Maria Fries venue de Suisse, Isabel Sörling née en Suède, Célia Kaméni, lyonnaise d’origine camerounaise et Cynthia Abraham, née dans la musique guadeloupéenne, viennent de différents horizons, mais ont la même passion pour la musique, le partage, la joie du spectacle vivant.
Cynthia, au terme de cette entrée lente et empreinte de solennité, allume une racine purificatrice et toutes six se positionnent devant leurs micros respectifs. Chacune a son retour et devant ceux-ci ont été allumées vingt-cinq bougies votives dans leur écrin de verre transparent. Ce cérémonial nous plonge dans l’ambiance qu’elle a voulu créer en réunissant ses « amies, collègues, âmes sœurs » : belle démonstration d’une envie féminine sans excès, les sourires permanents du sextet suffisent à appréhender la genèse de ce groupe.
L’impro du cœur nous captive tout de suite et Isabel introduit Pleasure écrite par Camille, tandis que Célia Kameni caresse une percussion style tambourin, Cynthia utilise un grand tambourin avec un balai et toutes ponctuent avec des percussions corporelles. Mabié (que l’on peut trouver dans un CD intitulé « Enfantilles », enregistré pour les enfants par les parents de Cynthia) plein de joie, Cynthia nous demandant de nous imaginer dans un marché et ses cris, elle utilise un ka, tambour traditionnel, tandis qu’Isabel a un gros tambourin. Ce morceau finit par une transe haletante.
Cynthia entame ensuite un solo issu du répertoire capverdien de Lura (inspirée de Cesaria Evora) qui est une ode à la lune, dédiée à tous les cycles qui s’entremêlent. Un frisson nous saisit alors… Célia Kameni entame un solo majestueux, la mélodie est reprise par le groupe, les voix sont pures (ce chant est dédié à un enfant espiègle, gardien du chemin, devenu une divinité).
Célia Marissal sera parfaite dans son interprétation de Alfonsina y el mar, que nous avons grand plaisir à écouter, aussi intense et tragique que d’autres versions (Maurane…). Le gospel qui suit If we ever reprend tous les codes de ces partages vocaux engagés.
Isabel Sörling descend de scène avec son tambourin, déambule seule dans l’allée centrale, lentement dans une incantation en anglais. Cynthia Abraham nous avoue son émotion… Les volcans endormis de la chanteuse Mathilde (autre défenseuse de la femme) nous parle également. L’ambiance gospel revient avec Please don’t stop, les claquements de doigts, les pieds qui frappent le sol, le public qui rejoint le tempo…
Que dire de Célia Kameni qui nous interprète a capella une vertigineuse mise à nue en français ? Patience, introduite par Clémence Nguon, est adressée, nous dit Cynthia Abraham, à tous les impatients. Les onomatopées succèdent aux claquements de doigts repris à sa demande par le public. Alegria sera le mot le plus prononcé dans le morceau suivant où la joie domine, les cris aigus accompagnant les mains qui clapent.
Cynthia Abraham remercie encore chaleureusement Ludovic Chazalon, son humanité, son engagement en faveur des artistes… Le très populaire Qui peut faire de la voile sans vent* nous replongera dans nos souvenirs… Le sextet part lentement vers le fond de l’église, puis Isabel Sörling revient lentement dans la pénombre, l’interprétant en suédois.
En rappel, demandé par le public debout, La demeure d’un ciel de Camille, autre artiste féminine engagée, sera leur « au revoir », Isabel Sörling l’accompagnant à la guitare sèche. Quelques bougies se sont éteintes… Il nous reste le souvenir prégnant d’une communion de voix qui peuvent aller du céleste au grave, toujours parfaites de sincérité, de justesse, de joie, de positif… Merci à Cynthia Abraham d’avoir réuni toutes ces belles artistes. Merci à Ludovic Chazalon de nous les avoir présentées…
* À l’origine, c’est une berceuse suédoise.