Même pas peur en cette soirée du 31 octobre au Solar. Au contraire, c’est dans un bain d’air(s) apaisant que le public, nombreux, s’est immergé. Une vraie cure de sérénité à se payer d’urgence. Attention, ça ne veut pas dire que le trio sur scène était du genre raplapla. Ah non ! Cependant, l’atmosphère émanant des compos et les liens tressés entre les musiciens recelait quelque chose d’aussi intime qu’harmonieux. Le pianiste Baptiste Bailly, d’origine montbrisonnaise, était particulièrement heureux de se trouver là, à la fois près de sa terre natale et du Conservatoire Massenet où, en 2010, il s’est penché sur ses premières gammes. Mais, après avoir pas mal voyagé, s’abreuvant notamment aux sources espagnoles, c’est en Parisien qu’il venait. La majorité des titres joués était tirée de La Fascinante, son dernier album publié en 2024 (Label Ouest) (voir la chronique d eLaurent Brun). Sur le disque, il est accompagné de David Gadea aux percussions, du Polonais Bodek Janke à la batterie et d’Etienne Renard à la contrebasse, « une expérience d’enregistrement pour faire se rencontrer des gens qui ne se connaissaient pas, l’envie de rencontres insolites ».
Mais ce soir-là, sauf pour Etienne Renard, le line-up était différent, c’était même une première que ce trio remarquable: « La musique rapproche, de plus nous avons un humour commun avec Etienne, c’est au-delà de la musique et c’est la première fois que je travaille avec le batteur Stéphane Adsuar dans ce contexte-là ». Au fait, voilà un drôle de titre, qu’y a-t-il derrière cette Fascinante ? «D’abord, je trouve le mot intéressant. C’est aussi le nom d’une valse des années 30*, je trouvais que ça correspondait bien à une des compos de l’album. J’y fais référence à cet univers un peu musette, valse. Tout ça participe à l’imaginaire, comme un clin d’œil et puis j’aime ce mot, car il y a beaucoup de choses qui nous fascinent ». Du côté des références, même si Baptiste Bailly n’aime pas vraiment ce terme, son travail a été guidé par «un rapport à la musique traditionnelle en général, il y a même une reprise d’une musique irlandaise, des couleurs celtes ou méditerranéennes… L’essentiel est de s’inspirer de tout en restant soi-même ». Le mot est lâché, cela s’appelle avoir du style et celui du compositeur est aisément identifiable.
Ce qui saisit d’emblée, c’est le phrasé ouaté, caressant et chaloupé du pianiste, comme une patte de velours rentrant ses griffes, à l’affût de la note voltigeuse, mais à la justesse acérée. Cette impression fait immédiatement sensation, c’est sans doute lié au fait que le trio vit l’instant ensemble et que chacun met en valeur les autres. On ne sent pas véritablement de leader et chacun se nourrit du groupe, même si, parfois, la contrebasse est un peu en retrait (une question de sono ?). Dans La Ritournelle par exemple, une rythmique caressante alterne frappes rondes et déliées, en écho aux effluves orientales du piano, puis les variations de tempos se succèdent, c’est aussi sautillant que cadré, jazz que… jazz ! Dans Cours toujours, on est au contraire dans l’urgence qui fuse, mais c’est sans oublier ni l’élégance ni la surprise, comme quand Baptiste Bailly pince les cordes à l’intérieur de l’instrument, et hop, il en sort une sonorité hésitant entre l’oud et la guitare, hot hot hot. En bref, et quel que soit le musicien ou le morceau, on est ici dans le doigté d’excellence, ce n’est que de la qualité, que du pas formaté, du suggestif et du mélodieux.
Ça fait du bien.
*: de Médard Ferrero (1906-1972)
