20/07/2023 – Souad Massi puis Imany aux Nuits de Fourvière

20/07/2023 – Souad Massi puis Imany aux Nuits de Fourvière

« Avec Imany tout est permis ! »

Première partie : Souad Massi

La première partie du concert était assurée par la chanteuse algérienne Souad Massi. Sa folk-chaâbi s’est élargie avec son dernier et 8ème album « Sequana » sorti en octobre dernier, avec des sons du sahel, de l’Amérique du sud et pas mal de rock.

Le set débute par le duo violon-guitare avant l’entrée en scène des autres musiciens. Le second morceau en français fait plutôt variétoche. Le suivant avec une guitare flamenco/manouche est plus convainquant avec une chanteuse qui saisit une guitare électro-acoustique pour s’accompagner. L’artiste convoque Johnny Cash dans une adaptation de son Hurt. Le morceau d’après est très rock avec une batterie lourde (trop) et une guitare électrique, mais le son est un peu pourri et vilain, on se croirait en présence d’un groupe lors de la fête de la musique…Le rendu de la voix a aussi un rendu de son assez crade ce qui ne rend pas justice à la sincérité et la poésie de la chanteuse. On se rappelle aussi que la chanteuse est aussi une femme engagée, et elle se met à convoquer en musique une chanson de la révolution chilienne qu’elle interprète en Espagnol. La chanteuse décidément pleine d’énergie s’en va ensuite saisir des baguettes et taper sur les caisses avec son batteur.. L’énergie reste avec un beau morceau d’inspiration africaine du sud, cette fois, avec une guitare qui se pare du son de la kora…On est désormais très loin du chaâbi et l’artiste assure un crossover étonnant et salutaire entre les continents !

On notera en revanche la faiblesse et l’incongruité des lumières lors de ce set…le dernier morceau fait la part belle au violoniste du groupe qui se met en mode chorus avec l’aide du bassiste et du batteur dans un duel esquissé. « Vous nous avez honorés de votre belle présence » lance Souad au public des Nuits ! le rappel est rock avec un rythme lourd sur les toms, tous les musiciens se lèvent de leurs sièges et le public lyonnais leur emboite le pas…mais c’est bien le spectacle d’Imany que les afficionados attendent…et en matière de lumières et de mise en scène ils vont en avoir pour leur Gonette (*) !

 

Seconde partie : Imany

Lors du changement de plateau, le dispositif scénique fait apparaitre un énorme rectangle avec des barres de leds, comme une scène dans la scène, un ring, une zone… La prestation d’Imany est un spectacle et non un simple concert. Il y a des chorégraphies, c’est mis en scène et les lumières sont soignées…On avait quitté la française Imany lors du festival de cinéma lumière en octobre dernier car elle participait à la soirée d’ouverture de l’invité d’honneur Tim Burton et avait chanté magnifiquement devant le réalisateur ravi Day O, le tube d’Harry Belafonte qui figurait dans le film « Beetlejuice» …On la retrouve donc à Fourvière pour ce spectacle dont l’atmosphère mystérieuse et fantastique se rapproche d’ailleurs pas mal du créateur de « Wenesday » ! En effet le spectacle commence avec neuf silhouettes capées en blanc avec visages sous capuches, très étrange…On comprend alors qu’il s’agit de huit violoncelles et une chanteuse (Imany, voilée elle aussi !). Les morceaux du set sont faits de reprises rock ou pop qu’elle affectionne, comme ce premier titre Concrete jungle de  Bob Marley. A chaque nouveau morceau un code couleur pour le carré de leds, et Imany, de rester éclairé en blanc virginal. Les musiciens ne sont pas statiques, bougent, dansent, font des percussions avec leurs instruments, font vraiment partie du spectacle. C’est une belle idée même si on l’aurait davantage aimé avec des séquençages autour de thématiques ou qu’avec une partie des musiciens et musiciennes…là c’est un peu systématisé mais plaisant, et la chanteuse à la voix grave fait le show et enflamme le théâtre romain. Le songbook personnel d’imany est égrené de Total Eclipse of the Heart de Bonnie Tyler qu’on a tellement entendu sur les juke-box des années 80…Au dernier morceau du concert, Don’t be shy, le seul titre de la chanteuse herself ! On a un peu de tout, de Radiohead avec l’excellent Creep au Still standing d’Elton John…Bof…Il y a même un titre en français, Les voleurs d’eau d’Henri Salvador ! Côté costumes, ils ne sont pas de Donald Cardwell…mais plutôt des tenues de sport blanc pour les musiciens (merci Adidas pour le parrainage bien visible : en plus des habits, tous les musiciens portent les mêmes baskets montantes, et Imany les mêmes en noir !).

A noter que la chanteuse porte une tenue lamée or qui fait penser aux tenues des boxeurs ou catcheurs, et le cercle en leds fait d’ailleurs penser à un lieu de combat…Le spectacle oscille entre cinéma, art contemporain pour le côté performance, et spectacle de danse, bref c’est une vraie représentation interdisciplinaire comme on dit dans les milieux autorisés…Le groupe des musiciennes et musiciens qui l’accompagnent se nomme Voodoo Cello, tout un programme !

Au bout du septième morceau alors que les photographes professionnels (mis à rude épreuve par un contrat inique imposé lors du concert de ben Harper le jour d’avant… A lire à ce propos l’article de Pascal Derathé dans les colonnes de notre média préféré !), ont enfin le droit de rentrer en scène mais sur les côtés et uniquement durant trois morceaux…On se dit que le dispositif de la représentation est un peu systématique et que le son des huit instruments est un chouia élevé… Mais surtout qu’on aurait aimé d’autres cover que certains de ces morceaux pop archi-commerciaux… C’est après tout le choix de l’artiste qui après un burn-out et deux enfants (on pensera que les deux sont intimement liés !!), a voulu revenir simplement aux chansons qu’elle aime sur ce troisième album et nouveau projet.

Vers la fin du set, Imany et ses complices levant le poing font lever les poings des spectateurs pour un speech sur l’émancipation dont on aurait pu se passer…Idem avant le rappel quand elle narre sa vie et la genèse de son nouveau projet : c’est trop long et un peu gnangnan sur les bords quand elle compare le violoncelle a une femme puissante, etc. Elle évoque la prise de risque de ces huit musiciens sur quatre vingt auditions réalisées par elle durant le confinement : ils ont accepté de quitter leur chaise de musiciens classiques normaux pour sortir de leur zone de confort ! Et c’est vrai qu’ils font le job avec leurs violoncelles électrifiés qu’ils martyrisent un peu quand même (un des musiciens joue avec des balais sur le flanc de son instrument, c’était un moment réjouissant !). Mais beaucoup lui sera pardonné de son bavardage et de ses bons sentiments car sa belle voix grave envoute…même avec un rappel de…Madonna, Like a prayer : on n’en attendait pas tant, mais ça marche dans l’atmosphère de ce spectacle décidemment original et personnel (dont les prémices avaient déjà été montrées il y a quelques années à Jazz à Vienne, l’éternel concurrent isérois des Nuits…).

 

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