
Avec le retour du soleil et des terrasses à Lyon, la lutte devient inégale pour les salles de concert… C’était le cas ce jeudi de mai pour la prestation du Darrifourcq Hermia Ceccaldi Trio au Périscope. Le haut lieu des musiques actuelles avait même carrément fermé son balcon pour accueillir cette formation franco-belge. Seule une petite poignée de spectateurs font place à la scène dans un format assis. Le groupe a lancé une tournée européenne depuis seulement une date et a hâte de présenter le nouvel album à sortir le 30 mai Unicorn and Flexibility, produit par le label de son batteur/ leader Sylvain Darrifourcq « Hector » (« l’Autre Distribution »). C’est néanmoins le troisième disque de cette formation qui existe depuis treize ans. Pour le style, ils se définissent comme « brutal jazz », imaginez un environnement sonore se situant quelque part entre le Free-jazz et le bruitisme, mâtinés de rock et de musiques du monde à de trop rares moments. Soyons franc c’est le free qui surnage largement dans ce projet !
Le saxophoniste en introduction lance un « vous êtes prêts ? » à la salle et, ça démarre pour un set avec seulement trois morceaux qui s’étirent en longueur. Les introductions sont souvent soignées et les changements de rythme avec le recours à des breaks sont bien sentis par le batteur qui affiche une très belle technique sur sa caisse claire accordée très aiguë. Pas étonnant que de nombreux musiciens aient sollicité ce sideman dans de nombreux projets à commencer par notre Emile Parisien que nous aimons tant (Sylvain a fait partie de son groupe durant une décennie !).C’est un batteur nerveux, investi qui sait bouleverser les structures rythmiques et son jeu avec Valentin Ceccaldi est un peu le sel du trio, une belle interactivité, un duo toujours sur la brèche, toujours prompt à accélérer, à surprendre même si la musique a bien l’air très écrite et finalement il n’y pas tant d’improvisation que cela, ce qui peut paraître surprenant. La partie bruitiste vient d’ailleurs du batteur qui fut d’abord percussionniste au début de sa carrière. Ses grincements peuvent toutefois apparaître par trop répétitifs, voire un peu éprouvant pour qui n’a pas passé une belle journée ou qui vient avec des névralgies…
Si la musique est ainsi souvent difficile pour les oreilles, la quasi absence de lumières sur scène permet de ne voir par exemple que les pieds de Manuel Hermia… Je ne sais pas comment ont fait les trois musiciens pour se voir et le public avait bien du mal à les distinguer : à ce point-là cela devient problématique. Salle de concerts réveillez-vous ! Soignez un peu l’éclairage des concerts ! Nous assistons à de plus en plus d’aberrations en la matière, et s’il est vrai que ce sont parfois les groupes qui ne sont pas assez exigeants sur le sujet (notamment dans le jazz) ; il faut revoir la mise en valeur des artistes par un réel éclairage qui a du sens et qui les mette en valeur. Bon nombre de musiciens ont confiés que parfois ils ne voyaient ni leurs partitions ni leurs instruments… Puisque nous sommes dans une époque de chartes tous azimuts, créons une charte de la lumière minimale obligatoire pour la tenue des concerts de jazz ! La qualité des lumières à mon sens doit être aussi bonne que la qualité du son. C’est aussi une forme de respect pour ces artistes qui performent, qui apportent souvent beaucoup de bonheur à leur public. La moindre des choses est de les mettre en valeur au maximum en retour que cela soit dans le rendu sonore mais aussi dans le rendu visuel qui est tout aussi nécessaire pour assister à un beau spectacle vivant.
Mais revenons à notre trio, pour louer le travail du frangin Ceccaldi, qui était de retour à Lyon après un récent passage, en avril dernier avec Kutu (dont fait également partie Théo son frère), pour le festival Récif. Louons ses qualités, car c’est lui qui assure les parties mélodiques des morceaux présentés et c’est bien son jeu qui illumine, que cela soit en mode violoncelle ou contrebasse. Le chemin du groupe passe par lui et il a produit de belles introductions et de splendides chorus. Chaque chapitre du concert dure au bas mot vingt minutes. Le second titre archaïsme est légèrement moins long mais globalement on est sur des morceaux/ pavés dont la structure est souvent la même, ce qui lasse assez vite il faut bien le reconnaître. Mais le groupe a son public de fans qui les encourage et le rappel débute à nouveau avec une formidable partie de violoncelle d’un Valentin décidément très en forme, et qui se place en pivot de ce projet singulier et souvent bien déroutant.
Musiciens :
- Sylvain Darrifourcq: batterie/ objets sonores
- Valentin Ceccaldi: violoncelle
- Manuel Hermia: saxophones