
Le public lyonnais est venu en masse pour retrouver la star franco-haïtienne Cécile McLorn-Salvant. L’Odéon des Nuits de Fourvière affiche complet. Cécile arbore des genres de Crocs noires à paillettes du meilleur effet (Hum!) et toujours son immense et généreux sourire.
Devil may care débute ce set, le pianiste Sullivan Fortner prend d’emblée les choses en main avec un chorus bien senti tout en finesse. Yasushi Nakamura, à la contrebasse, nous offre également un aperçu de son savoir-faire, tout en sourire. Bravant le vent et le possible larsen Cécile s’éloigne du confort de ses retours et s’avance sur le devant de la scène, toute proche du public, pour un Est-ce ainsi que les hommes vivent de Ferré et Aragon à l’accompagnement minimal et millimétré. Autant dire que l’émotion a grimpé d’un coup.
On change de registre avec une chanson rigolote et surannée, Il m’a vu nue de Mistinguett. Ambiance loufoque qu’elle adore.
Comme sa mère est une fan absolue de Véronique Sanson elle reprend Le temps est assassin de Michel Berger. Elle ne fait pas du Sanson mais bien du McLorin-Salvant avec toutes les ressources de sa voix.
Retour à une chanson ancienne à son répertoire John Henry, une de ses compositions, accompagnée de la seule batterie de Kyle Poole. Sullivan les mains loin du clavier ne peut s’empêcher de faire le pitre et de vocaliser en contrechant.
Nothing like you est un moment de pure virtuosité où la chanteuse est en communion avec le trio qui s’envole.
On bascule sur les îles dont elle est native avec Confiance en créole . Yasushi Nakamura prend un chorus en s’appuyant sur la batterie et quelques accords plaqués de piano.
Suit une reprise de Sting, Until. La délicatesse est au rendez-vous, Sullivan en profite pour nous offrir un magnifique chorus de piano très applaudi.
Cécile introduit ensuite une autre de ses compositions, Thunderclouds.
I didn’t know what time it was, est entamée très lentement, très controlée mais avec un gros paquet de swing.
Le set s’achève avec une reprise de Connie Converse Inbeetween two tall mountains. Après seulement une heure et quart de scène !
Le public et debout et en veut encore.
Cécile revient seule en scène et entame Omie Wise, ballade folklorique américaine tragique, basée sur une histoire vraie d’un meurtre survenu en Caroline du Nord au début du 19ème siècle. Cécile s’éloigne des micros et chante seule a capella et en acoustique, juste devant le public. Magistral !
Retour des complices pour changer de style. Second rappel sur une poésie de François Villon La belle vielle « …et quand je revois vos appats un excès de plaisir me donne trépas. »
Visiblement Cécile apprécie de jouer devant un public français. Elle termine par un troisième rappel sur un texte d’Eschyle qui retrace les oracles adressés à Ménélas et son frère Agamemnon en pleine guerre de Troie. Il fallait oser la noirceur pour achever ce set original.
Cécile McLorin-Salvant s’est désormais délivrée du classicisme qui la caractérisait à ses débuts et construit ses sets à son image, en picorant dans les âges de la chanson et en mettant sa voix au service de textes pas évidents. J’ai entendu des commentaires un peu désabusés par des spectatrices qui attendaient « plus de jazz » alors qu’on était en plein dedans.
- Cécile McLorin-Salvant: voix
- Sullivan Fortner: piano
- Yasushi Nakamura: contrebasse
- Kyle Poole: batterie