BCUC pour Bantu Continua Uhuru Consciousness, ce qui signifie « l’homme qui marche vers la liberté de conscience » est un groupe de sept musiciens de Soweto qui chante dans les onze langues officielles de l’Afrique du Sud. Révélé en France aux Trans Musicales de Rennes en 2016, nous les avions déjà vus au Club de Jazz à Vienne l’année suivante en 2017 (voir ici). Et quel concert mémorable pour les festivaliers courageux qui étaient restés tard. C’est sans doute l’effet découverte et peut-être la petite salle du théâtre François Ponsard qui avait démultiplié le choc musical que nous avions ressenti.
Le festival touche à sa fin, il est 2h30 du matin, nous sommes au creux des ténèbres entre le coucher du soleil vécu, il n’y a pas si longtemps et son lever qui nous attend bientôt. Cette traversée de la nuit en musique est en quelque sorte une mise en abyme de la traversée de cette quinzaine du festival. C’est le moment idéal pour s’immerger dans la passion et la folie de la fête, c’est ce que nous propose BCUC au cœur de la nuit. Le groupe est composé d’un bassiste dont la rythmique ronronne comme un bourdon, de trois vocalistes et de trois percussionnistes dont deux grosses caisses et des congas.
C’est par le chant que cela commence, par les voix entremêlées et notamment la voix féminine qui apporte des sonorités de vocalises. On discerne des incantations, des chants et des voix parlées comme du talk-over, c’est un dialogue qui se met en place à la manière des work-songs. À d’autres moments, les chants sont psalmodiés et donnent l’effet d’un gospel. Puis les tambours accompagnent les voix, comme sortant de la nature pour soutenir les humains dans leurs propos.
Les percussions vont petit à petit accélérer, ajouter de plus en plus de puissance, comme pour une cérémonie vaudou avec un effet d’envoutement. Les voix des vocalistes suivent, ainsi que celle des percussionnistes comme des choristes. Les chants sont interprétés avec force et conviction, comme si un esprit étranger a pris possession des vocalistes. La voix féminine lance des phrases reprises en chœur par les deux voix masculines comme des « Call and response ». Et les rythmes accélèrent, les tambours deviennent une machine à danser. Certaines accélérations sont entrecoupées de break pour mieux redémarrer en trombe. Les voix suivent ce rythme infernal par des cris, puis des hurlements et des incantations qui ponctuent le rythme et les chants. Des bruitages, des sifflets et des chants d’oiseaux s’immiscent dans les incantations.
Les formes de corps s’ajoutent aux sons. Les danses, les chorégraphies traditionnelles avec les pieds lancés en l’air qui frappent le sol en retombant, les sauts à pieds joints, le chanteur qui se laisse tomber au sol de tout son corps… Comme envouté. Et nous le sommes aussi envoutés ! Comme en transe, par l’énergie que les musiciens nous transmettent.
Nous avons bientôt fini de traverser la nuit de cette All night Jazz 2025. Accompagné par BCUC qui nous aspire dans son tourbillon infernal de rythme. La transe nous prend aussi, on ne peut pas résister. C’est au-delà de la spiritualité, les esprits et la nature ont été convoqués pour participer à ce concert… à cette cérémonie. Dans peu de temps, le soleil va se lever pour nous aider à revenir à la réalité, à la raison et ce sera fini. Pas d’inquiétude, tout reprendra en 2026, du 25 juin au 11 juillet, cela nous a été annoncé en présentation de la soirée. Et la folie d’une nouvelle quinzaine et d’une nouvelle All Night Jazz se perpétuera.
Les musiciens :
- Jovi Zithulele Zabani: voix
- Hloni Letlhogonolo Maphunye: voix
- Kgomotso Kgomotso Mokone: voix
- Luja Thabo Saul Ngoepe: tambour
- Skhumbuzo Ephraim Mahlangu: tambour
- Cheex Daniel Mangel: congas
- Mosebetsi Mosebetsi Ntsimande: basse