02/08/2025 – Conférence de Nicolas Béniès au Crest Jazz – J 3

02/08/2025 – Conférence de Nicolas Béniès au Crest Jazz – J 3

C’est avec la conférence intitulée : Les fantômes oubliés des musiciens de jazz français, que Nicolas Béniès clôture son cycle de conférences. Pas celui de la 49ème édition, celui de ses vingt-et-ans ans de conférences au Crest Jazz Vocal puis Crest Jazz ! Il commence avec une première partie d’introduction dans laquelle il présente le contexte du Paris musical des années 30’ qu’il qualifie « Paris capitale de la musique ». Puis dans une seconde partie, il détaille avec des écoutes de morceaux originaux le style des musiciens et la composition des orchestres.

S’il parle de fantômes, c’est que selon lui, le Paris de Saint-Germain-des-Prés est un endroit mythique qui a disparu et n’a pas vraiment existé d’ailleurs. Pourtant, Paris est une capitale musicale dans les années 30’, avec des musiciens d’Afrique et du Maghreb qui viennent des colonies françaises. Les écrivains africains/américains arrivent ensuite à Paris. Nicolas Béniès, précise que tous les courants se rencontrent à Paris sous forme d’ateliers entre plasticiens et musiciens de (free-)jazz…il n’y a pas qu’à New-York qu’il y a des « Workshops » ! Paris s’ouvre ensuite à la danse qui était interdite sous l’occupation. Le jazz en France était intitulé Middle Jazz, terme qui n’est plus utilisé, alors que l’on dit Mainstream au Etats-Unis. Paris se renferme dans les années 80’.

Sur le plan des musiciens, Claude Bolling, Hubert Fol ou Bernard Peiffer n’ont pas ou plus de notoriété en France alors qu’ils ont eu une carrière aux Etats-Unis. Le conférencier estime qu’il faut avoir un ancrage mémoriel important, afin « de savoir d’où l’on vient, pour savoir où l’on va ». D’autant plus, pour les femmes, qui selon lui, ont été laissées de côté, on les a oubliées ! Il nous propose de redécouvrir nos racines, ce que nous allons faire en musique. Nicolas Bénies, fredonne la chanson A Paris de Francis Lemarque qui résume à elle seule toute cette époque.

Nous allons à présent écouter des musiciens d’une grande qualité qui sont restés quasiment inconnu et que Nicolas Béniès choisit de faire découvrir. Nous en connaissons certains autres que nous avons déjà entendu jouer ou dont nous avons entendu parler. Pour chaque écoute, l’image du vinyle d’origine, issue de la collection personnelle du conférencier est projetée sur l’écran. L’originalité du style de ces pochettes s’est perdue depuis les CD.

Nous commençons par le guitariste Jean-Pierre Sasson qui interprète Studio B accompagné entre autres de Guy Laffite au ténor, d’André Persiany au piano, de Michel de Villers au baryton…Le guitariste leader est influencé à l’époque par Charlie Christian plutôt que par Django Reinhardt. Nicolas Béniès, enthousiaste et insatiable passionné fredonne encore le thème du titre. Nous écoutons un deuxième morceau avec ce guitariste.

Nous passons à Geo Daly, un vibraphoniste inspiré par Lionel Hampton dont nous écoutons les morceaux très swing : The night of a cat et The day of a dog. Nous poursuivons avec There’s a small hotel, interprété par le guitariste Henri Crolla qui est lui, influencé par Django Reinhardt. Il est accompagné entre autres par Michel Hausser au vibraphone, Maurice Meunier à la clarinette, Georges Arvanitas au piano…

Nous continuons avec Hubert Fol au saxophone soprano, dont le nom est moins inconnu puisque son frère Raymond était musicien également et leur sœur Sylvia a écrit un livre sur ses deux frères. Il y a encore du très beau monde pour l’accompagner sur Half Nelson, René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse, Sacha Distel à la guitare, Jean-Baptiste « Mac Kac » à la batterie [NdlR : un des rares voire unique batteur d’origine manouche] …Nous écoutons un autre titre de Hubert Fol, cette fois accompagné par Moustache.

On poursuit avec un autre vibraphoniste, Christian Chevalier, qui nous interprète une version de A Night in Tunisia. Pour cela il a réuni un « All Stars » avec les musiciens français : Roger Guérin, Christian Bellest, Lucien Juanico, Fernand Verstraete…à la trompette, Jean-Louis Chautemps et Bobby Jaspar au saxophone, Martial Solal au piano, Pierre Michelot et Paul Rovere à la contrebasse…et de nombreux autres. Sans oublier Fats Sadi aux percussions qui excelle dans un solo de bongos à la fin du morceau. Le swing CuBop est tout à fait respectueux et à la hauteur de l’original. Le maître Dizzy Gillespie, peut être fièr de la reprise de ces « petits Français » ! Nicolas Béniès indique que les musiciens français n’ont rien à envier aux Américains et que les fantômes sont de très bon niveau. Ce titre l’illustre parfaitement. Un deuxième morceau nous permet d’apprécier encore Christian Chevalier avec Roger Guérin, Christian Bellest et Pierre Cullaz.

Nous découvrons maintenant Gérard Pochonet qui a pris le pseudonyme de Dave Pochonet pour faire carrière au Etats-Unis en tant que batteur dans les années 50’ et 60’. C’est avec l’écoute de Swingin’ the A P blues accompagné de Buck Clayton que nous apprécions son jeu. Nous passons à l’écoute d’un Boogie-Woogie de Sammy Price, Paris Blues, interprété avec le même Dave Pochonet, ainsi que Lucky Thomson, et nous retrouvons Jean-Pierre Sasson à la guitare.

Nous terminons avec le trompettiste Roger Guérin pour Blue March, en live au Club Saint-Germain avec s’il vous plait, Benny Golson et James Moody au saxophone et Bobby Timmons au piano ; mais on retrouve aussi Pierre Michelot, Raymond Fol, Martial Solal, Michel Hausser, Christian Garros, Christian Chevalier…et de nombreux autres grands noms français comme dans un tourbillon de stars. Ce sera sur Not Serious avec Roger Guérin et Martial Solal que se clôture cette matinée. En référence au poème d’Arthur Rimbaud On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, ce qui permet de finir sérieusement sans se prendre au sérieux.

Par associations et itération, le conférencier nous emmène dans les dédales de cette époque musicale en ranimant tous ces fantômes qui sont chers à ses yeux. Au gré de ses présentations de standards, de musiciens, d’orchestres, il nous perd avec plaisir dans des anecdotes, il nous oublie avec bien-être dans des digressions et il nous égare avec bonheur dans de longues parenthèses nécessaires à la compréhension du contexte d’une époque. Comme d’habitude les conférences sont très vivantes.

C’est l’heure de nous quitter avec le verre de l’amitié. Nathalie Etienne de la médiathèque remercie Nicolas Bénies pour ces années de partenariat et cette dernière conférence. Alain Bellon, président du Crest jazz Festival ajoute, dernière conférence « à la médiathèque ». Souhaitons qu’une solution et un lieu soit trouvés pour que Nicolas Béniès ne devienne pas un fantôme des conférences comme ces musiciens de jazz français. Et que les conférences soient pérennisées pour la cinquantième édition en 2026. D’autant plus, que le conférencier est aussi auteur et qu’il nous a promis un quatrième opus sur les révolutions du jazz, avec le Free jazz cette fois-ci, que nous attendons de pied ferme !

Pour poursuivre les découvertes musicales sur le site de Nicolas Béniès : http://soufflebleu.fr

 

Les conférences précédentes de cette édition : 

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