
[NdlR : Après avoir reçu Pierre Perchaud et Chris Jennings chez lui pour un concert privé, Laurent Brun a souhaité ajouter ces lignes :]
La perfection n’est pas humaine.
Dans le duo Jennings-Perchaud, la perfection est vivante.
On s’en étonne. Dans les silences, immobiles, entre les notes, nos frissons se retiennent.
Les musiciens ont une connivence naturelle. Ils s’accordent sur les coutures, se passent le relai. La mélodie est passée par ici, elle repassera par là.
L’extraordinaire, ils le côtoient sans s’en apercevoir. Car l’extraordinaire est leur quotidien. Ils ont décidé de lâcher la virtuosité pour s’en tenir à la convivialité du présent.
Ce sont des passeurs pour nos oreilles ouvertes et joyeuses. Ressentir le peu de distance est un cadeau. Ils sont attentifs à cette proximité. Ce qu’ils se donnent, ils nous le remettent pleinement sans en garder une seule miette. La musique devient total partage.
La musique n’est pas dialogue. Elle est atmosphérique. On s’y noie. On s’y confond. Entre les deux, c’est sans paroles. Tout n’est que réactivité sous la pulpe de leurs doigts, comme coordonnée, corps donnés. Par transmission de pensée.
Un musicien pense-t-il quand il joue ? Sur ce terrain-là, on pourrait redérouler la longue liste des objets que trouve le conteur Pierre Gripari dans la tête de ses déménageurs en action. Les musiciens (ces musiciens) sont des déménageurs. Ils nous ont transporté et avec eux leur musique, assez loin pour tapisser nos esprits d’un voile aérien, brillant, chatoyant, d’un souffle de légèreté, genre d’expérience de l’être qui, comme aurait dit ma grand-mère savoyarde et néanmoins thésauriseuse, fera du profit.
Le profit, c’est de rendre la musique à la beauté, l’art à la générosité et nos esprits à la joie. Ça fait beaucoup en ces temps maussades où la boussole de nos cœurs va et vient sans trouver le repos.
La musique du duo n’est pas un pis-aller, ni même une diversion pascalienne. Ce n’est pas non plus un spectacle. C’est une voix troublante, un cri pour la paix, une place pour l’étrangement beau, pour l’éternellement humain.
Avec humour, tous deux affirment qu’ils étaient déjà chauves il y a vingt ans quand ils se sont rencontrés pour la première fois. Leur musique, mais elle nous fait pousser des cheveux ! C’est un rajeunissement garanti. Ça soigne l’enfant en nous.
Laurent Brun