
Au-delà du plaisir donné au public, s’il ne fallait qu’une justification à l’existence du Solar, ce serait de soutenir (vraiment) les talents d’ici. C’est déjà vrai lors de toutes les jams sessions gratuites du lundi soir, véritables espaces de pratique live et ouverts à tous. Là, chacun et chacune peut confronter son travail de façon cordiale à des auditeurs attentifs. C’est encore plus tangible lors des résidences qui s’y déroulent.
C’est ce qui s’est passé avec le trio Trafik. Depuis un an, grâce au Solar et à Saint-Etienne Métropole, ils ont pu répéter six jours en pointillés in situ puis participer à un projet d’éducation artistique et culturelle dans des écoles primaires et dans des EHPAD. Cette gestation s’est terminée vendredi par une naissance heureuse, captée en direct dans un but promotionnel. C’est officiel, Trafik est né et l’enfant tricéphale se porte bien. Il se compose d’Arthur Barthélémy au piano, d’Aymeric Sache au saxophone et de Franck Desmurs à la batterie est aux percussions.
Chacun a déjà un riche parcours à son actif. Arthur, stéphanois, est passé par le Conservatoire Massenet et, cette année, est professeur de piano à Saint-Jean-Bonnefonds. On l’a vu sur de multiples scènes, comme à Cybèle, notamment au sein du big band dirigé par Ludovic Murat. Franck, lui aussi de « Sainté », a participé à de nombreuses aventures musicales parmi lesquelles La Baroufada, qu’il a créée en 2005. Elle est aujourd’hui devenue le GRRIZZLI et rassemble un collectif de musiciens basés dans le bassin stéphanois*. Quant à Aymeric, originaire de Haute-Savoie, professeur pendant dix ans à Vénissieux, dans une autre vie, cela fait quatre ans qu’il est ici.
Qu’est-ce qui les a rassemblés ? « C’est l’envie de faire de la belle musique. Les compos viennent surtout de Franck puis Arthur les réarrange et Aymeric y ajoute sa touche. Mais ce qui nous rassemble surtout, c’est qu’on est tous les trois à la marge du jazz. Arthur est plutôt pop, Aymeric plutôt du côté des musiques improvisées et contemporaines, Franck est très sensible aux percus afro-cubaines et afro-brésiliennes. On peut dire qu’on est à la convergence des marges ! » Cette définition imagée correspond aux neuf titres égrenés au Solar, nourris de beaucoup d’impros.
Citons-en quelques-un : Ludo, Ailleurs, Y’a Shiva, Kikou ou Fall. Pendant une heure, les morceaux se sont donc succédé avec leur son particulier, révélateur d’un style propre au trio. La plupart du temps, le piano peignait un paysage mélodique harmonieux, très groovy et chaloupé. Venaient s’y ajouter des touches de couleurs tribales sous la baguette du batteur ou des clairs-obscurs un peu free sous les touches du sax.
Sans entrer dans les détails, Trafik laisse en son sillage une musique d’impressions, sans agressivité, toute en modulations et partage organique. C’est un nouveau livre qui s’ouvre, dans une calligraphie de notes à la fois harmonieuses, créatives et largement ouvertes sur l’imaginaire. On est à la croisée des flux.
En plein trafic.