C’était il y a 20 ans !
J’ai découvert Les Doigts de l’homme lors d’un concert à Viviers (07) où ils jouaient en première partie de Tinariwen. On m’avait conseillé d’aller sans attendre écouter ce trio manouche fraichement débarqué de Bretagne. Un trio acoustique dans la plus pure tradition manouche : une pompe, une contrebasse et un soliste.
Rien ne me préparait à cette explosion d’énergie et de musicalité. Si le répertoire de Django était bien entendu présent, le groupe s’aventurait avec un plaisir communicatif, hors des sentiers battus, interprétant des versions survitaminées du Poinçonneur des lilas (Gainsbourg) ou du Boléro de Ravel.
La réaction du public a été à la hauteur de la performance, explosive ! L’histoire des Doigts de l’homme prenait un nouveau chemin qui allait les porter bien loin.
Vingt années se sont écoulées, avec, oh, combien d’expériences musicales, instrumentales, de collaborations, d’incursions dans divers styles, mais en gardant toujours la même signature, celle des Doigts de l’homme.
J’ai découvert le dernier opus des Doigts, Erratic, the art of roaming, il y a quelques semaines.
Ma première réaction a été de me dire : vingt ans, c’est le moment de faire un best of ! Raté, c’était mal connaitre les loustics. Cet album, ou devrais-je dire ces albums, car il s’agit d’un double, est un nouveau défi : un premier CD acoustique avec les membres actuels du groupe, Olivier Kikteff, Benoît Convert et Yannick Alcocer aux guitares, Tanguy Blum à la contrebasse et Nassim Aliouche aux percussions. Alternance de compositions d’Olivier et Benoît, exigence et technique impressionnantes sans perdre de vue la musicalité, itinérance musicale aux quatre coins du monde… qui saura donner un style à cet album ? Autant ne pas réfléchir et se laisser porter par ce tour du monde sonore.
Il est temps de passer au deuxième album, qui voit arriver, en plus des sonorités de guitares électriques et d’effets de toutes sortes, une batterie confiée à Pierre Retien. Va-t-il réussir à imprimer sa marque ?
Instantanément, on sait qu’on est dans un autre univers, une autre dimension. Le son des guitares est plus sec, plus élaboré, travaillé. Les premières minutes d’écoute sont déconcertantes. On aimait à retrouver le son des Doigts de l’homme et là, on découvre quelque chose de nouveau avec des chorus qui rappellent les guitar heroes du jazz fusion des années 70. Le temps de s’habituer, on reprend le chemin de l’itinérance erratique que le groupe a manifestement cherché à proposer dans ces albums. Une fois les codes sonores validés, le voyage commence. Régulièrement, des détails familiers nous rappellent qu’on est bien en train d’écouter un disque des Doigts de l’homme et on repart vers une nouvelle destination, un nouveau style. On arrive bien vite au bout du voyage, un peu chamboulé, mais avec l’envie d’y retourner.
Il faudra de nombreuses écoutes pour décoder tout ce que contiennent ces deux CD. Une chose est sûre, Erratic, the art of roaming est un grand album des Doigts de l’homme et un grand album tout court.
Tout comme il y a vingt ans, je crois qu’il faut le découvrir en concert, sans attendre !
Pierre Retien ; Yannick Alcocer ; Olivier Kikteff ; Tanguy Blum ; Benoît Convert ; Nassim Aliouche