
Blue Maqam
Après une discographie d’une vingtaine d’albums sous son nom, complétée par quelques brillantes collaborations (Gerard Marais, Pedro Soler, Jean Louis Martinier, Dorantes, Claire Antonini…) le contrebassiste Renaud Garcia-Fons prend avec son album Blue Maqam une nouvelle orientation qui se traduit par l’omniprésence de la voix, celle de sa fille Solea rodée aux musiques traditionnelles et au chant lyrique. On avait déjà pu entendre quelques passages vocaux dans des compositions de l’album précédent Cinématic Double Bass mais ici la chanteuse devient l’épicentre du projet par sa présence dans les neuf morceaux de l’album Blue Maqam ou elle utilise huit langues différentes avec notamment une place de choix laissé aux langues des rivages méditerranéens tant côté occidental qu’oriental. La présence de deux accompagnateurs, Jean-Luc Di Fraya aux percussions et la place importante accordée au vibraphone de Stephan Caracci , signe encore plus nettement le tournant pris par le contrebassiste aux cinq cordes.
C’est sur le titre Alicante qui ouvre l’album que la langue française trouve sa place à travers un texte coquin de Jacques Prévert « une orange sur la table, ta robe sur le tapis et toi dans mon lit… » Au fil du morceau la voix claire et vraiment présente de Solea Garcia-Fons s’intègre parfaitement avec l’accompagnement musical qu’il s’agisse des cordes du violoncelle ou des diverses percussions.
Pour Hame Chab, un texte signé du poète persan Rumi, la voix de Solea s’adapte à cette langue et brille par ses prouesses et sa touchante douceur.
Sur Towards a new world, pas de paroles, mais des vocalises et des scats enjoués avec un accompagnement instrumental très charpentés ou contrebasse, percussions et vibraphone haussent successivement le ton.
Pour les autres compositions Renaud et Solea se partagent l’écriture des textes chaque fois dans une langue différente. Pour Najmati (Ma bonne étoile) c’est l’arabe, sur Noimead Siochana (un moment de paix) c’est un mélange d’irlandais traditionnel et d’anglais que fait virevolter la voix de Solea dans un climat empreint de la gravité de la contrebasse et d’étincelles de vibraphone.
Tomate el tiempo (Prends le temps) chante en espagnol et se charge d’effluves andalouses rythmées. On dérive plus loin en Méditerranée vers les rivages de la Grèce pour Makrini akti au fil de l’archet qui glisse sur les cordes de la contrebasse et de la voix de sirène de Solea. Avec l’hébreu de Salam al haolam, on parle de paix dans une région qui l’espère depuis longtemps et que le chant voluptueux et la musique apaisée réussissent ici à nous rendre crédibles. Avec l’italien de Citta eterna, on célèbre Rome et ses beautés au fil d’un accompagnement musical festif.
Au final, un album quasiment addictif qui se révèle d’une très grande richesse au fil des écoutes, une fois qu’on a accepté de s’embarquer pour un voyage multiple métissé et transculturel finalement porteur d’un message universel plus que jamais nécessaire.
Album disponible sur toutes les plateformes et distribué chez les disquaires par L’ Autre Distribution