Salvatore Origlio Quartet : « C’era una volta »

Salvatore Origlio Quartet : « C’era una volta »

C’era una volta

Il était une Fois

 

Drôle d’imparfait, qui renvoie à la perfection d’un moment unique, ni passé, ni avenir. Mais dont la fondamentale vertu est de se dérouler en un autre temps et autre lieu. Puisque l’incantation rituelle propitiatoire de tout Conte, a d’abord pour effet d’ouvrir l’espace de l’imaginaire et du rêve, et de nous transporter,  en cet espace où il devient possible de vivre une autre vie, une autre histoire : « Il était une fois… »

Il était une fois donc, un disque, qui pour faire référence à quelques moments essentiels de la culture cinématographique et musicale italienne de ces dernières décennies, est loin de s’enfermer dans la nostalgie.

Bien sûr, l’art populaire italien a fourni les premiers matériaux, la source d’inspiration du disque, puisque le jazz a nourri l’imaginaire d’un peuple en partance, chassé de sa terre par la faim et la misère : l’Italie du Sud et la Sicile. Et dans n’importe quel village de Naples à Palerme, les Raggazzi (Pier Paolo Pasolini) écoutent les Jazz Messengers et Duke Ellington.
De là à imaginer… «  C’era volta in América », et pour Salvatore Origlio, à y puiser la jeunesse de quelques thèmes, il n’y a qu’un pas.

Nous trouverons donc dans ce CD quelques beaux thèmes mis en musique par les plus grands compositeurs italiens, et arrangés pour une formation en quartet (Salvatore Origlio, batterie, Malcolm Potter, contrebasse et voix, Eric Prost, saxophone  ténor et Alfio Origlio, piano et arrangements).

C’est sur La Strada que le voyage commence. L’immortelle mélodie de Nino Rota se prête au jeu fluide du quartet, avec l’allant d’une rythmique, partie quelque part vers le Sud chercher force et poésie, dans la fête foraine de Zampano et Gelsomina. Acrobatics, ce petit bijou de composition (Alfio), manifeste bien cette volonté de ne pas s’en tenir à la célébration du passé et permet aussi d’accélérer le tempo. Et cette introduction mélancolique pour introduire le thème de  C’éra una volta in América (Ennio Morricone pour le dernier film de Sergio Léone), était bien le moins qu’Alfio pouvait donner, pour un film qui raconte le temps qui passe, sous les yeux incrédules de Noodles. Et c’est toute l’Italie d’Amarcord (« une chronique de l’Italie campagnarde et fasciste, » io mi ricordo : je me souviens) qui connaît la déroute dans cet autre film magnifique de Fellini. Là encore la musique de Nino Rota est l’occasion pour le quartet de développer un swing élégant, où les cymbales se font à la fois légères, pétillantes et persistantes, ou les rimshots et les roulements relancent les arabesques du saxophone dans son chorus, et la dynamique d’un piano lumineux et suave. Bien sûr, le thème du Cinema Paradiso (Ennio Morricone) est bien à sa place ici.

Mais  la musique comme « La poésie est un métier de pointe » (René Char. « Il était une fois » donc une musique d’avenir : Alfio, Eric et Malcom ont voulu apporter leur contribution personnelle à ce disque. « Il sera donc une nouvelle fois », avec Alfio au Fender Rhodes et à la composition, un blues tout ce qu’il y a de plus fol et bien bâtit comme nous attendons de cette musique : Bee bob. Et puis la célébration pudique de quelque chaud mois d’été : 07 (d’Eric Prost), avec ses fruits ensoleillés dans ce thème en majeur et en douceur . In Rise, la bien nommée composition d’Alfio, ménage une belle progression, de l’introduction  recueillie aux chorus débridés. Enfin  dans At last (chanson de Mack Gordon / Harry Warren) but not least, la voix légèrement voilée mais si juvénile, si claire paradoxalement de Malcolm Potter  peut mettre une touche finale à cet élégant « ricord ».

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