« The many facets of a day » premier album solo de Mark Priore

« The many facets of a day » premier album solo de Mark Priore

«Les pensées qui mènent le monde viennent sur
des pattes de colombe»
F. Nietzsche, Le gai savoir.

 

«Atmosphère ?…» Chaque moment du jour a une  «gueule d’atmosphère», et ce sont ces visages que montre le pianiste Mark Priore dans son premier C.D. « The many facets of a day ». Grace à une série de douze titres qui permettent également de parcourir l’histoire du jazz qu’il aime, et d’évoquer aussi un peu de sa vie spirituelle.

Et  le jour naissant paraît, dans la lumière et la fraîcheur qu’offre Carolina shout (Le cri de Carolina) , un «rag» joyeux et  tonique de James P. Johnson, pour célébrer ce premier moment. L’écho de ce printemps se prolonge et peut s’entendre encore dans le thème de Vernon Duke Taking a chance on love qui rend hommage aussi bien à Fred Hersch qu’à Herbie Hancock. Mais comme un jour est  une « miniature des atmosphères de la vie», les nuages viennent et s’accumulent dans Prior Vita I . La première méditation un peu sombre de Mark, laquelle renvoie par son titre aussi bien aux réminiscences d’une vie antérieure qu’à la vie du clan. Alors la pluie peut enfin se poser, douce, répétitive, nourricière. C’est la quatrième titre: Il pleut, préparant la délivrance. Et avec la Chanson d’Alfio, renaît l’espérance.

Le CD de Mark Priore est en fait très construit :le temps est notre allié dans le projet et l’anticipation du jazzman. Mark «prend le quart» : ce sont les thèmes 3-6-10, Prior Vita I,II, III distribués sur la page. L’heure est ainsi régulièrement marquée par une composition très personnelle; la seconde est de facture plus classique: la discipline sauve. Et la troisième avec ses deux notes mélancoliques à la Satie, nous conduit par une série de cadences rompues et de modulations heureuses, du cauchemar le plus atroce vers la paix retrouvée.

Entre temps, toute la science de Mark, le «sonodidacte» s’est fait entendre. Que ce soit dans Turbilhao de beijos (ah la romance, la fièvre de ces baisers!), dans l’intégration d’un motif petersonien donné à deux octaves avec quelle discrétion, quel goût ! au milieu de ces épanchements; ou dans l’art de jouer ce thème si fameux du grand Oscar, You look good to me. L’absence de Ray Brown à la contrebasse, permet à la main gauche de Mark de déployer sa liberté, avant le chorus de la droite. Et Sunset blues -très gospel, le blues !- rend hommage à Elton John,  et indique la descente du soleil, dans une série de modulations qui cependant laissent paraître une tonalité dominante.

«Atmosphère, Humeur, Climax, Stimmung, Accord», tous ces termes quasi synonymes, essentiels en esthétique, sont ainsi illustrés dans le déploiement de ce jour qui s’achève par deux thèmes lumineux: Colors (For Fred Hersch) et Theme for H.Miyasaki où est célébré l’impressionnisme.

Nous sommes étonnés par la clarté du propos, la progression maîtrisée des concepts : chaque thème a son atmosphère, ses procédés pianistiques, son style, sans que cela n’empêche le flux des atmosphères, dans une continuité qui évite toue confusion et un lâcher-prise qui témoigne d’une bien grande maturité spirituelle et pianistique.

Nous avons bien sûr noté le travail remarquable sur le son de Paul Berne et Mr Pellegrini, qui ont su diversifier ses prises en fonction de l’atmosphère désirée.

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