17/03/2024 – Steve Coleman & The Five Elements au Quartier Latin Jazz Club

17/03/2024 – Steve Coleman & The Five Elements au Quartier Latin Jazz Club

C’est une belle affiche que d’avoir le groupe Steve Coleman & Five Elements pour l’ouverture du Quartier Latin Jazz Club au Musée de Saint-Romain-En-Gal. Nous avons présenté l’inauguration de ce nouveau club de la région créé par Jean-Paul Bouteiller le fondateur de Jazz à Vienne dans nos chroniques (voir ici).

C’est ce soir le premier concert dont la jauge est complète avec le saxophoniste alto qui est tout d’abord influencé par Charlie Parker. Il a ensuite collaboré avec des grands noms tels que Von Freeman, Sonny Stitt ou Bunky Green, mais encore le Thad Jones/Mel Lewis Big Band. Il s’intéresse aussi au funk ce qui apporte une liberté mélodique, harmonique et rythmique à sa musique. Il est à l’origine du collectif informel M-Base (pour Macro-Basic Array of Structured Extemporization), composé de jeunes musiciens afro-américains qui incarnent une écriture rythmique approfondie et affirment un renouveau du jazz.

Les recherches musicales du saxophoniste sont variées, depuis les expérimentations avec le hip-hop, avec les musiques africaine et afro-cubaine et jusqu’à celles de l’informatique. Ses réflexions l’amènent à prendre en considération les aspects philosophiques, numérologiques, astrologiques et l’ésotérisme. Tous ces aspects convergent vers une véritable quête spirituelle. Après la présentation du groupe et des lieux par le fondateur du club Jean-Paul Bouteiller, les musiciens se lancent dans leur set face à la baie vitrée qui donne sur le fleuve Rhône et la ville de Vienne.

Si le flux des notes du saxophone alto de Steve Coleman semble incarner l’eau, si le souffle de Jonathan Finlayson à travers sa trompette représente l’air, si les doigts de Rich Brown qui courent sur les frettes de sa basse font résonner la terre et si les baguettes de Sean Rickman qui crépitent sur les cymbales de sa batterie attisent le feu, alors quel est le cinquième élément de ce Five Elements ? Sans nul doute le groove que vont diffuser les quatre musiciens américains. La majorité des huit titres plus deux en rappel sont introduits par le leader à l’alto. Il commence souvent par un son de hanche rond, lié et chaleureux sur une mélodie jazz avant de passer le thème à ses partenaires et de dériver vers ses multiples influences. Parfois le hip-hop, à d’autres moments les musiques africaines ou encore les musiques cubaines. Les influences sont délicates et distillées avec finesse dans les morceaux.

Le trompettiste mêle souvent son jeu à celui du saxophoniste et les deux soufflants se passent les solos ou se retrouvent à l’unisson sur une mélodie ce qui donne de la profondeur aux titres. Le jeu du bassiste et celui du batteur s’accordent parfaitement pour donner une rythmique robuste à l’ensemble. La finesse du toucher du bassiste apporte un caractère mélodique à ces phrases rythmiques. Elle est souvent ponctuée par le jeu du batteur sur ses cymbales. Sa frappe est variée et dansante, depuis ses cymbales jusqu’aux peaux de ses tambours mais aussi sur les cylindres des tambours. Le jeu du batteur est complété par des percussions jouées soit par le saxophoniste ou le trompettiste lorsque l’un des deux prend un solo ce qui rend ces passages particulièrement dansants et festifs.

La set-list est composée de trois premiers morceaux qui sont long comme l’étaient ceux du répertoire du jazz-rock ou funk des années soixante-dix puis de plus courts morceaux. Certains sont influencés par un groove rapide avec la scansion du jazz et du hip-hop. Parfois une rythmique funk, légèrement free avec des influences rappelant John Coltrane. Plusieurs morceaux sont composés de boucles répétitives qui donnent un aspect hypnotique, parfois très marqué. Le saxophoniste nous entraine également en terres africaines avec un chant composé d’onomatopées qui s’ajoute aux percussions et à la batterie. C’est en exécutant un rap que Steve Coleman présente à nouveau ses musiciens durant un rappel qui se termine en duo pour les deux cuivres. Avec un set généreux de presque deux heures et très proche de son public, le leader déclare qu’il s’agit de leur « …last gig of our tour… » après l’Italie, l’Allemagne, la Bretagne…et Paris. :  Il rend hommage à Charlie Parker avec les affiches qui sont derrière les musiciens et évoque son mentor Bunky Green. Il plaisante avec la prononciation de notre nouveau jazz club qu’il renomme « Latin Quarter » ! Il a bien compris que c’est le « first concert » et que nous sommes le « first people ». Ce baptême est un beau lancement pour ce nouveau lieu du jazz dans notre région auquel nous souhaitons une longue vie et qui vient de démarrer sa première saison d’une très belle manière.

Jazz-Rhone-Alpes.com était également présent au concert du Voiron Jazz Festival la veille (voir ici)

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