06/11/2025 – Cédric Chauveau Trio au Jazz Club de Grenoble

06/11/2025 – Cédric Chauveau Trio au Jazz Club de Grenoble

Cédric Chauveau, le swingant pianiste du Cédric Chauveau Trio , avec Nicolas Sabato à la contrebasse et Mourad Benhammou à la batterie, assume pleinement les influences pianistiques dont il est l’héritier : Oscar Peterson au premier chef ; Hank Jones ; Winton Kelly ; mais pas que: Bud Powell ; McCoy Tyner ; Tommy Flannagan… l’histoire du jazz est si riche de personnalités remarquables, de talents bien reconnaissables dans leurs différences, qu’il est parfois difficile de préférer l’un ou l’autre… alors, pourquoi ne pas les aimer tous, et s’en imprégner ? C’est ce que Cédric a fait et manifeste avec un talent évident, puisque ses chorus regorgent de ce vocabulaire élaboré au fil du temps par les uns et les autres. Ce langage, toujours identifiable, limpide et fin, lui permet de déployer des chorus extrêmement construits, qui ne se répètent jamais. Il mobilise pour lui une extrême vigilance et pour nous une écoute passionnée et reconnaissante… de pouvoir si bien s’y retrouver avec bonheur dans notre mémoire.

Bonheur et jubilation ont été les maîtres mots pour le public du Jazz Club de Grenoble durant toute cette soirée, ou le trio, sous sa forme traditionnelle a été mis à l’honneur, avec un pianiste tournant le dos aux musiciens (c’était la formule Peterson par exemple, avec le bassiste à gauche et le batteur à l’arrière) ; et nous avons apprécié son jeu puisque depuis douze ans maintenant, la formation a eu le temps de le peaufiner, et quelle cohésion ! le résultat est remarquable : un bassiste qui joue sans aucune partition, un batteur qui souligne chaque phrase des thèmes, chaque micro-structure rythmique avec une précision et une joie évidentes : les cymbales surbaissées permettent une meilleure maîtrise de l’instrument (et accessoirement d’éviter les tendinites) ; le jeu est non seulement limpide, mais le son est produit par une gestuelle qui s’apparente au ballet, extrêmement visuelle, explicite, rayonnante. Mourad joue tonique, musical, enchanté ! Nicolas Sabato fait plus que le job, puisque armé de son archet, il introduit des thèmes (In the Wee small Hours) ou donne une profondeur à la Ray Brown à une bossa comme Mischallenge (mot valise à trois composante : le challenge de Michelle, ou encore l’ange Mischa). Composée par Cédric Chauveau, cette magnifique bossa nova, à la ligne mélodique remarquablement déployée, nous donne l’occasion de dire que notre grande surprise a été de découvrir aussi le talent de compositeur et d’arrangeur de Cédric puisque la quasi-totalité des thèmes joués ce soir sont des créations personnelles : le tour de force qui consiste à créer «dans l’esprit d’une époque» manifeste encore une fois la culture pianistique remarquable de Cédric:à part Reaching for the Sunshine de Nicolas Sabato et Driftin’ (Herbie Hancock) tous les thèmes joués durant le concert sont donc de Cédric Chauveau: Hank and Tonny, un swing très bluesy, rendant hommage aux deux maîtres, Mischallenge bossa jouée à la Oscar Peterson trio; Louison, belle balade comme Ernestine; When Mosquitos buzz samba drôlatique, enlevée (titre éponyme du dernier CD de 2024) ; Tyner’sTune, qui a plus évoqué pour nous le Tempus Fugit échevelé de Bud Powell que Mc Koy (filiation entre les deux bien-sûr) New Orléans RdV, avec son introduction boogaloo à la batterie, et en rappel You are my sunshine.

Soirée pleine d’humour à laquelle Cédric nous a invités avec des anecdotes personnelles drôlatiques (sauf la «feu» contrebasse de Ray Brown dans le grand incendie de New York). Soirée pleine d’intelligence, de swing, de vitalité et de bonne humeur. Nous nous sommes vraiment régalés !

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