Fusion…
A lui tout seul, David Bressat donne un nouveau sens au concept. Grâce à ses arrangements fouillés et à ses improvisations recherchées, le leader de « French Connection » crée un alliage de jazz et de chansons françaises, et ça brille formidablement !!
Jugez-en : tout comme la Belle au Bois Dormant, le C’est si Bon, se voit « réveillé », sorti de la langoureuse interprétation de Montand, grâce à un tempo rapide et irrésistiblement entraînant. David nous offre là un premier chorus, fort inspiré.
Il sait aussi piquer la curiosité du public et mettre son oreille au défi, en lui proposant de reconnaître le titre des chansons qu’il interprète avec ses amis et invités. Mais il fallait s’y attendre, la re-lecture qu’ils font de ces airs, parfois à la limite de la recomposition, n’a pas résisté à l’oreille et à la culture musicale du public fidèle et averti du Jazz Club de Grenoble. Je pense notamment à La Bohème, titre qui donne l’opportunité à Thomas Belin à la contrebasse, de mettre en avant son talent et sa poésie.
De même, Charles Clayette à la batterie nous offre un superbe solo, inspiré, varié, et rythmiquement complexe, sur la base du Padam Padam de Piaf. Charles a un jeu puissant, extrêmement précis, qui « pousse » le groupe, mais qui sait aussi suivre les interventions de chacun. Tout est parfaitement en place, malgré les nombreux changements de tempo et même de mesure.
Soudain David nous prévient : il ose parfois choisir des thèmes « à l’eau de rose », comme ceux distillés par l’immense Michel Legrand dans « Les Demoiselles de Rochefort » et même le Un Jour Mon Prince Viendra de Frank Churchill. Fusion vous dis-je !
Pour notre plus grand plaisir, le leader a fait « jouer » ses « French Connections » et a invité trois musiciennes magnifiques, (respectant au passage la fameuse « parité » !). Ainsi Maud Fournier, violoncelliste, Caroline Bugala, violoniste, et Luna Garcia Odin, chanteuse, ajoutent une nouvelle couleur à ces versions « jazzifiées ». On est même parfois à la limite du quatuor classique (comme dans La Chanson de Maxence), car Thomas Belin rejoint ses amies en jouant à l’archet. A l’évidence, les trois « guests » ont fait de solides études classiques, avant, à leur tour, de fusionner leur technique avec la liberté qu’apporte le jazz.
Un instant, on suit Piaf dans le Métropolitain de Paname, où joue, bien sûr…une violoniste ! Caroline nous offre alors des interventions et un superbe chorus, où des touches classiques se mêlent à des improvisations modernes. J’espère que Thomas Dutronc, jazzman lui aussi, et son père Jacques, ont eu la chance d’écouter cette très belle adaptation.
Tout cela ravit évidemment le public, instantanément séduit et transporté par la voix cristalline de la bien prénommée Luna, à la diction et justesse parfaites et aux aigus limpides. Alors bien sûr, chacun voudrait prolonger ce moment de plaisir, partagé à l’évidence par David et ses « guests », puisqu’ils ont la gentillesse de nous offrir deux bis.
D’abord un merveilleux Un Jour Mon Prince Viendra, chanté par Luna: comment le Prince ne viendrait-il pas la retrouver ?
Et pour finir, Je Me Suis Fait Tout Petit, petit bijou de Brassens, dont Caroline et Maud soulignent l’humour subtil avec leurs pizzicati, et Luna avec un scat délicieux.
Remercions, une fois encore, le Jazz Club de Grenoble de nous avoir fait passer une merveilleuse soirée.
David Bressat: piano ; Charles Clayette: batterie ; Thomas Belin: contrebasse ; Caroline Bugala: violon ; Maud Fournier: violoncelle ; Luna Garcia Odin: voix
